Grande distribution: les raisons de l’implantation de Leader Price au Maroc

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L’annonce de l’ouverture de son premier magasin au Maroc a fait le buzz. L’arrivée de Leader Price au Maroc risque bien de redistribuer les cartes dans le secteur de la grande distribution… et celui des débits de boissons. Décryptage.

Le 23/06/2016 à 13h40

Sept magasins d’ici fin 2016 à Casablanca, cinquante au bout de cinq ans d’exercice dans plusieurs villes du Maroc… Leader Price ne compte décidément pas faire de la figuration après son implantation dans le royaume. Les perspectives de développement annoncées par son top management sont sans conteste un signal fort envoyé aux autres acteurs de la grande distribution.

Mais est-il opportun d’investir autant, dès le départ, dans un secteur où la pression concurrentielle est aussi forte? Quelles sont les réelles motivations derrière cette offensive de l’enseigne française de la grande distribution ?

«Pour comprendre les raisons de l’engouement de Leader Price pour le Maroc, il faut s’intéresser au très rentable secteur des boissons alcoolisées», confie à le360 un professionnel de la grande distribution. Ce n’est un secret pour personne que la commercialisation de l’alcool dans un magasin de grande distribution peut bouleverser tout son business modèle. «L’expérience au Maroc a démontré qu’il était bien plus facile pour une enseigne commercialisant l’alcool de se faire une place qu’une autre qui n’en vend pas», ajoute notre source.

Cette équation, Leader Price semble bien en avoir conscience. Selon nos informations, l’enseigne compte bien se positionner sur le très lucratif marché de l’alcool. Dans son premier magasin, inauguré le 8 juin dernier, la vente d’alcool devrait démarrer après ramadan. C’est ce que révèle à Le360 un des employés du magasin. Un espace dédié, permettant l’isolation de la cave du reste du magasin lorsque la commercialisation d’alcool n’est pas autorisée, est d’ailleurs déjà aménagé à cet effet.

Bien que dans les différentes communications ayant accompagné l’annonce de l’installation de la marque au Maroc, à aucun moment le sujet n’a été évoqué, il semblerait bien que la vente d’alcool est l’une des principales raisons qui expliquent l’implantation de Leader Price au Maroc.

Un marché de 3 à 4 milliards de DHEt pour cause, depuis que Marjane Holding s’est retiré de ce segment, le leader du secteur de la grande distribution dans le royaume a libéré un potentiel énorme de chiffre d’affaires à ses concurrents sur un segment qui peut générer entre 3 et 4 milliards de DH de revenus, selon les estimations.

Selon des professionnels de la grande distribution, l’alcool peut générer jusqu’à 30% du chiffre d’affaires du magasin dans lequel il est commercialisé, et contribuer jusqu’à 50% de la marge réalisée sur l’ensemble des produits. En d’autres termes, l’alcool peut générer la moitié des bénéfices que peut réaliser un supermarché ! «L’alcool est donc un moyen de rentabiliser rapidement un magasin, et pouvoir ainsi se concentrer sur le déploiement du reste du réseau», ajoute-t-on auprès de la profession.

Depuis la fermeture des caves à Marjane et Acima, c’est principalement Carrefour qui a profité d’un «monopole» de l’alcool dans la grande distribution. Il est vrai que l’enseigne a dû faire face à la concurrence des débits traditionnels de boisson qui ont grignoté des parts dans la manne libérée par Marjane, mais Carrefour reste tout de même le principal bénéficiaire de ces fermetures vu qu’il est seul dans le secteur à commercialiser encore l’alcool. Aswak Assalam tient en effet toujours à ses principes religieux et BIM est sur un modèle économique complètement différent.

Du coup, depuis que l’enseigne est seule sur ce segment, elle a nettement accéléré son plan de développement, encouragée par la rentabilisation rapide des magasins grâce à l’alcool. En 2015 par exemple, huit nouveaux magasins Carrefour ont ouvert.

Deux alliés venus de la SNILeader Price a semble-t-il compris qu’il y avait une réelle opportunité à saisir dans ce domaine. D’ailleurs, cette marque a dû tirer profit de la présence au sein du groupe Casino, propriétaire de l’enseigne, de deux Marocains ayant vécu de près la fermeture des caves chez Marjane Holding et qui mesurent parfaitement ce que représente l’alcool dans le secteur de la grande distribution au Maroc.

Il s’agit de Hassan Bouhemou, qui occupait le poste de PDG de la maison mère de Marjane Holding, la Société Nationale d’investissement (SNI), au moment où la décision de se désengager du commerce d’alcool a été prise. Depuis, Hassan Bouhemou a intégré le groupe Casino, de même que l’ancien PDG de Marjane, Mohamed El Amrani, et il ne serait pas étonnant qu’ils aient activement participé à l’installation de Leader Price dans le royaume.

Il reste maintenant à savoir comment l’enseigne va gérer certains problèmes liés à la commercialisation de l’alcool. Il est en effet connu de tous que la vente des boissons alcoolisées rime souvent avec des soucis sécuritaires dans les alentours des magasins. De plus, la vente d’alcool fait souvent fuir les clients des autres rayons, notamment à l’approche de la fermeture des caves, en raison de la très forte affluence.

Cela étant, il faut bien reconnaitre que l’entrée de la nouvelle enseigne sur le marché risque bien de chambouler les choses. Car avec son plan de développement, Leader Price devrait rapidement compter plus de points de ventes qu’Asswak Assalam (qui en compte une douzaine actuellement), et devrait rapidement atteindre une taille presque comparable à celle de Carrefour dont les réseaux sont constitués de 52 points de ventes. Marjane Holding compte quant à elle 80 points de vente. C’est dire que la concurrence sera vraiment rude durant les prochaines années entre les différents acteurs et, particulièrement entre Carrefour et Leader Price qui, eux, seront en lice pour avoir la plus grande part du juteux commerce de l’alcool.

Par Younès Tantaoui
Le 23/06/2016 à 13h40