Longtemps perçu comme un secteur échappant à toute surveillance fiscale, le marché des vêtements d’occasion a récemment été analysé par les autorités marocaines afin de mesurer son véritable impact sur les finances publiques. Les conclusions, présentées par la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui, sont sans ambiguïté: le manque à gagner pour l’État est jugé «très limité», voire «quasi nul».
Cette affirmation peut surprendre au premier abord, au vu de la vitalité et de l’omniprésence des friperies dans le paysage commercial national. Pourtant, les données économiques révèlent une réalité différente: la majorité des acteurs de ce marché opère à une échelle microéconomique, souvent individuelle et mobile, avec des revenus inférieurs au seuil d’exonération fiscale fixé à 40.000 dirhams pour l’impôt sur le revenu (IR), explique le magazine Challenge.
Pour comprendre cette situation, il faut replacer les friperies dans le contexte plus large de l’économie informelle. Selon une étude du Haut-Commissariat au Plan (HCP) publiée en mai 2025, l’informel au Maroc comprend 2,03 millions d’unités de production, générant collectivement un chiffre d’affaires de 527 milliards de dirhams.
Cependant, 85,5% de ces unités sont de petites structures individuelles, souvent sans local fixe et opérant dans des activités à faible valeur ajoutée. Ces microstructures constituent le socle du commerce de la friperie. Leur nature mobile et leurs transactions modestes expliquent pourquoi leurs revenus restent généralement sous le seuil fiscal, limitant ainsi leur contribution directe au budget de l’État.
«Consciente de cette réalité, l’administration marocaine a choisi une approche graduelle plutôt que coercitive. L’objectif est de faciliter l’intégration de ces acteurs dans l’économie formelle sans compromettre leurs revenus», écrit Challenge. Deux dispositifs clés ont été mis en place: la Contribution professionnelle unique (CPU) et le statut de microentrepreneur. Ces régimes simplifiés offrent un cadre légal accessible et allégé. La Direction générale des impôts (DGI) a ainsi réduit les taux d’imposition à 0,5% pour les activités commerciales et à 1% pour les services, tout en abaissant le montant minimal des amendes pour déclarations tardives de 500 à 100 dirhams.
Parallèlement, la protection sociale a été intégrée dans ce processus via un protocole avec la CNSS, visant à faciliter l’enregistrement et le recouvrement des cotisations. L’objectif est de concilier rationalisation fiscale et justice sociale, en permettant aux acteurs de l’informel de conserver leur subsistance tout en contribuant modestement au système.
Si la contribution fiscale directe des friperies reste limitée, leur rôle social et économique est significatif. Ce secteur emploie des milliers de Marocains et fournit des vêtements abordables à une large part de la population, alors que le coût et la qualité des articles neufs restent prohibitifs pour de nombreux ménages, lit-on encore.
Ainsi, l’État se positionne comme garant d’un équilibre délicat: favoriser l’intégration dans l’économie formelle sans mettre en péril les moyens de subsistance des familles dépendantes de ce marché. Une démarche qui illustre la complexité de la problématique de l’informel, profondément ancrée dans le tissu socioéconomique national.








