Le Bureau marocain du droit d’auteur et des droits voisins (BMDAV) a publié un communiqué destiné à lever toute confusion sur ses missions et sur la légalité de la perception des redevances dues au titre de l’exploitation des œuvres protégées. Cette mise au point intervient dans un contexte marqué par la circulation d’informations imprécises concernant le fondement juridique des prélèvements imposés aux établissements qui diffusent ou utilisent des contenus artistiques. L’Office rappelle que l’article 2 de la loi n° 25-19, adoptée en 2022, lui confère explicitement la «compétence de collecter, répartir et protéger les droits des auteurs et des titulaires de droits voisins». L’article 60 de la loi n° 2-00, modifiée par la loi 66-19, renforce ce cadre en stipulant que «toute communication au public — qu’elle s’effectue par télévision, radio, projection ou tout autre moyen — reste subordonnée à autorisation et rémunération.»
Le bureau précise que les redevances appliquées aux hôtels, cafés, restaurants, salles de sport, cinémas, festivals, supermarchés ou établissements de spectacle s’appuient sur les barèmes publiés au Bulletin officiel du 14 avril 2014. La diffusion de musique, d’œuvres audiovisuelles ou de prestations artistiques constitue juridiquement une communication au public, ouvrant droit à rémunération. Le bureau insiste sur la nature de ces montants, qui ne relèvent ni de taxes ni d’amendes, mais de droits légaux versés aux créateurs et aux ayants droit.
La dimension économique de ce secteur, bien que souvent sous-estimée, mérite attention, car les données récentes montrent une évolution significative de l’écosystème culturel marocain. Selon les chiffres officiels du ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, publiés fin 2023, l’artisanat — entendu comme industrie structurée — représente désormais 7% du PIB national. Cette donnée, disponible sur le site du ministère de la Culture, illustre le poids d’un secteur qui combine production culturelle, savoir-faire traditionnel et activités économiques à forte intensité de main-d’œuvre. Un tel chiffre rappelle que la création et la préservation du patrimoine ne constituent pas seulement un enjeu identitaire, mais une composante stratégique de l’économie marocaine.
L’évolution des industries culturelles et créatives (ICC) s’inscrit dans la même dynamique. À ce titre, un rapport publié en 2025, et repris par Diptyk magazine, met en évidence une croissance notable du tissu entrepreneurial dans le secteur. Entre 2019 et 2024, le nombre d’entreprises opérant dans les ICC aurait progressé d’environ 33%, tandis que le nombre de salariés déclarés aurait augmenté d’environ 20%.
Le même rapport souligne que ce secteur se distingue par une forte inclusion: près de 50% des emplois y seraient aujourd’hui occupés par des femmes. Ce mouvement structurel, encore peu visible dans les agrégats macroéconomiques nationaux faute d’un compte satellite culturel consolidé, témoigne néanmoins d’une mutation silencieuse qui renforce l’argument du BMDAV sur la nécessité de protéger et de valoriser les œuvres dans un environnement économique en transformation rapide.
Lire aussi : Droits d’auteur: la taxe de la discorde
Le rôle de contrôle exercé par le bureau complète ce dispositif avec ses agents assermentés, habilités à vérifier les usages des œuvres après avoir consigné les infractions et, le cas échéant, saisi les équipements utilisés pour une exploitation illicite. L’Office précise que cette pratique, conforme aux dispositions légales, n’a rien de nouveau et qu’elle vise à empêcher le préjudice invisible causé par la diffusion non déclarée, dont les premières victimes sont les auteurs. Il ajoute privilégier les solutions amiables, l’octroi de délais et le dialogue avec les exploitants, tout en affirmant qu’il recourt aux procédures légales lorsque les obligations demeurent ignorées.
Sur la redistribution, le bureau réaffirme que les sommes collectées sont intégralement destinées aux auteurs, artistes-interprètes et ayants droit. Il rappelle enfin que «les droits patrimoniaux s’étendent jusqu’à soixante-dix ans après le décès de l’auteur, conformément aux standards internationaux, avant que les œuvres ne tombent dans le domaine public et que leur gestion culturelle incombe à l’Office.»
La clarification publiée par le BMDAV s’inscrit dans un moment où les modèles économiques du livre, de la musique, de l’audiovisuel et des arts évoluent sous l’effet du numérique et d’une demande sociale accrue pour une rémunération équitable des créateurs. Cependant, elle révèle aussi un enjeu structurel qui est d’assurer la cohérence entre le dynamisme croissant des industries culturelles et créatives dont les entreprises et l’emploi progressent à un rythme soutenu et un cadre réglementaire encore en cours d’adaptation.








