A la veille du 1er Mai, le gouvernement doit non seulement faire face aux revendications des syndicats, mais également à celles du patronat.
De sources bien informées, Le360 a appris que la CGEM vient d’adresser un courrier officiel au Chef de gouvernement dans lequel elle soumet une série de revendications en anticipation d’une réunion programmée le 12 avril.
Mais rappelons d’abord le contexte. Après une suspension de près d’un an, la Chef de gouvernement a décidé de reprendre le dialogue social avec les principales centrales syndicales. Une décision qui intervient au lendemain de l’annonce par ces dernières d'une série de protestations musclées qui dureront trois mois à partir du 4 avril, date à laquelle a été fixée une marche nationale.
Face à ces menaces, Abdelillah Benkirane a fini par réagir en invitant les principales centrales syndicales à une réunion le 12 avril. Son objectif est partiellement atteint puisqu’une «suspension» de la marche du 4 avril a été annoncée par les syndicats et, avec elle, le démarrage des fameux trois mois de protestations.
Bien entendu, comme toute réunion de dialogue social, le patronat est partie prenante.
La CGEM proposera huit "recommandations"Selon nos informations, dès la réception de l’invitation à la réunion, la présidente de la CGEM, Miriem Bensalah Chakroun, a transmis au Chef de gouvernement une série de revendications qu’elle compte bien défendre le 12 avril.
En fait, le patronat compte s’appuyer sur deux arguments majeurs pour faire valoir ses propositions. Le premier concerne sa relation, que la patronne de la CGEM présente comme «une relation de confiance», avec les principales centrales syndicales depuis l’initiation d’un dialogue social direct entre les deux parties.
Le second, certainement le plus important, est celui du contexte économique actuel. LA CGEM, qui avait reçu le gouverneur de la Banque centrale le week-end dernier lors du Conseil national de l’entreprise, reprend d’ailleurs les dernières prévisions de croissance de Abdellatif Jouahri (1% seulement pour 2016), pour dresser un tableau de la conjoncture actuelle qui nécessite une réaction des pouvoirs publics.
Dans ce sens, le patronat devrait insister lors de la réunion du 12 avril sur la concrétisation rapide des projets de réformes de la réglementation du travail. La première des huit revendications adressées au Chef de gouvernement concerne, en effet, la promulgation de la loi organique relative au droit de grève. Ce texte est depuis quelques années resté enfoui dans les tiroirs du gouvernement et la CGEM insiste sur sa promulgation durant cette législature, soit avant la fin de l’année en cours.
Accélerer la promulgation des loisPour ce qui est du Code de travail, le patronat réclame des amendements profonds et ce, douze ans après l’entrée en vigueur de la mouture actuelle qui n’est plus adaptée au contexte économique que vit le royaume. Plusieurs volets du Code nécessitent, selon le patronat, des ajustements, comme le volet du cumul indemnités, des procédures disciplinaires, la médecine du travail, les heures supplémentaires et le remplacement des retraités.
Bien entendu, les amendements devront se faire dans un cadre favorisant la flexibilisation du marché du travail. Et à ce titre, la CGEM veut réviser la durée du contrat de travail temporaire et la ramener à douze mois renouvelables une seule fois au lieu de six actuellement. La flexibilité passe également par le lancement des contrats de travail à temps partiel (CTTP) et les contrats de chantier et de projet.
Par ailleurs, sur le volet de la formation professionnelle, la CGEM appelle à la promulgation de la loi sur la formation continue et à l' activation de la réforme des contrats spéciaux de formation (CSF). Pour justifier cette réforme, le patronat rappelle au Chef de gouvernement que les entreprises paient toujours une taxe sur la formation professionnelle sans réellement en profiter.
D'un autre côté, et pour mettre fin aux pratiques syndicales qui, parfois, ne sont pas vraiment constructives, ni pour les salariés ni pour l’entreprise, il est proposé de promulguer rapidement la loi relative aux syndicats professionnels. Ceci devrait permettre, selon la CGEM, de renforcer la liberté syndicale et d'instaurer un cadre pour un dialogue social constructif.
Les recommandations de la CGEM touchent également aux conventions collectives (sectorielles et entreprises) qu’elle considère comme gage de paix sociale durable qu’il faut promouvoir.
Informel et fiscalité de nouveau dans l'agendaHormis les textes réglementaires, le patronat revient à la charge quant à la lutte contre l’informel. Il propose de mettre en place un plan national pour l’intégration du secteur informel en vue de consolider la compétitivité des entreprises formelles et d’élargir l’assiette fiscale et sociale.
Enfin, comme à l’accoutumée, le volet fiscal ne devrait pas échapper aux discussions lors de la réunion du 12 avril. La CGEM espère en effet diminuer le coût du travail en convainquant le gouvernement de revoir la fiscalité sur les salaires de manière à l’adapter au contexte socio-économique.
Ce sont là les grandes lignes de ce que compte négocier la CGEM avec le Chef de gouvernement. Il est vrai que pour certains textes réglementaires concernés, les réformes s’imposent de manière urgente et ce n’est pas le gouvernement qui dira le contraire. Cependant, pour les autres recommandations, il sera certainement difficile de les voir appliquées par l’équipe Benkirane… Du moins, pas durant ce qui reste de son mandat actuel!