Comme attendu, la machine des crédits reste en panne en ce début d’année. Les dernières statistiques de la Banque centrale relatives au mois de février confirment le ralentissement dont souffre le secteur depuis près d’un an. En tout, l’encours des crédits bancaires, toutes catégories de clients confondues, n’a évolué que de 1,4% comparativement à février 2015. Pire, si l’on se réfère aux données de fin décembre 2015, l’encours est même en baisse de 2,6%.
Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle semble, non seulement durer dans le temps mais également ne pas avoir encore trouvé d'explication auprès des professionnels du crédit. De plus, la baisse actuelle intervient dans un contexte où les taux appliqués par les banques sont au plus bas depuis plusieurs années, ce qui aurait dû normalement amorcer une relance.
On espérait une explication après les récentes sorties des PDG de grandes banques de la place (à l’occasion des présentations des résultats annuels), ainsi que celle du gouverneur de la Banque centrale (à l’occasion de la dernière réunion du Conseil de la banque), mais aucune de ces parties n’est en effet parvenue à expliquer concrètement ce qui se passe dans le secteur. «Ce qui est sûr, c’est que ce ne sont pas les banques qui ont fermé le robinet, mais que c’est la demande qui baisse considérablement», s’étaient accordés à dire récemment les représentants de différentes banques et de Bank Al-Maghrib.
Alors les banques sont-elles en train de renvoyer la responsabilité de cette baisse des crédits aux opérateurs économiques? Le360 a posé la question, en dehors du circuit officiel, à des banquiers en contact direct avec les clients et le constat est confirmé. «Depuis plusieurs mois déjà, on sent que les clients entreprises n’investissent plus alors qu'ils représentent la plus grosse partie de l'encours. C’est à peine s’ils contractent des financements pour leur trésorerie… Et encore, cela ne se fait plus au même rythme qu’avant», reconnaît un chargé d’affaires dans une banque de la place.
En effet, même les crédits de trésorerie semblent à la traîne depuis que l'Etat a liquidé, parallèlement à la décompensation, ses arriérés sur la compensation des produits pétroliers. Par le passé, cela générait un important encours chez les banques qui devaient financer les opérateurs en attendant que l'Etat ne régle son dû.
Rappelons aussi que depuis que les chiffres ont commencé à baisser, plusieurs représentations professionnelles ont pointé du doigt les banques en les accusant d’avoir resserré les conditions d’octroi des crédits. «Il n’en est rien. Il y a certes certains secteurs où la banque fait preuve de vigilance, mais ce ne sont que des exceptions», ajoute notre source. Même son de cloche à la fois chez Ahmed Rahou, PDG du CIH, et Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Banque centrale lors de leurs dernières sorties médiatiques.
Les deux avaient insisté sur le fait, qu’à l’exception de la promotion immobilière dans certaines villes qui connaissent un ralentissement des ventes de biens immobiliers, le traitement des dossiers des autres opérateurs économiques se fait d’une manière normale en dépit de la récente montée des créances en souffrance.
Comment peut-on alors expliquer le tassement de la demande de crédits et partant, celle de l’investissement? Aucune des sources bancaires n’est réellement arrivée à l’expliquer. C’est ce qui les pousse d’ailleurs à réclamer une enquête gouvernementale pour répondre concrètement à cette question et voir, le cas échéant, ce qui pourrait être fait par les pouvoirs publics pour relancer la machine de l’investissement et, donc, celle des crédits.
En attendant, les banques continuent à doublement souffrir. Non seulement elles peinent à commercialiser leurs produits de financement, mais elles doivent également faire face à une montée du coût du risque. Les récents chiffres de la Banque centrale confirment en effet la forte croissance des créances en souffrance. Comparativement aux deux premiers mois de 2015, elles ont augmenté de 10% à fin février dernier.