Comment le Maroc peut rejoindre le top 10 des puissances géostratégiques

Lahcen Haddad.

Lahcen Haddad.

ChroniqueÀ la croisée de l’Atlantique, de la Méditerranée et de l’Afrique, le Maroc se positionne comme un carrefour stratégique majeur du XXIème siècle. Entre corridors logistiques, énergie verte et diplomatie inclusive, le Royaume trace sa route vers 2035, prêt à devenir un hub de connectivité et un acteur incontournable de la stabilité et de la prospérité régionale.

Le 11/12/2025 à 11h58

Le Maroc se trouve aujourd’hui à un tournant géostratégique majeur. Dans un monde marqué par la fragmentation des blocs, le retour affirmé de la géo-économie et l’intensification des rivalités énergétiques et technologiques, les nations qui maîtrisent la connectivité deviennent les véritables centres de gravité du XXIème siècle.

À la croisée de la Méditerranée, de l’Atlantique et du continent africain, le Maroc est appelé à consolider son rôle de carrefour stratégique, de pont entre les régions et d’architecte des nouvelles routes du commerce et de l’énergie. En assumant pleinement sa géographie, sa projection atlantique et son influence continentale, le Royaume peut rejoindre, d’ici 2035, le cercle restreint des dix puissances géostratégiques qui façonnent l’ordre mondial. Car le pouvoir aujourd’hui n’appartient plus à ceux qui dominent les territoires, mais à ceux qui savent relier les économies, les idées et les nations.

L’Initiative atlantique, lancée par Sa Majesté le roi Mohammed VI, est une vision ambitieuse qui consolide l’intégration régionale et promeut une redéfinition de l’espace atlantique comme zone de partage, de solidarité et de coprospérité. L’Atlantique africain, longtemps perçu comme un espace de vulnérabilités — migration irrégulière, trafics transfrontaliers et criminalité — est appelé à devenir un moteur de sécurité, de croissance et d’innovation.

Les pays du Sahel ne seront pas laissés en marge: un corridor logistique reliant leurs économies aux ports marocains, notamment Dakhla Atlantique, leur offrira un accès direct aux marchés mondiaux. Le Maroc, grâce à son Sahara en plein essor et à son positionnement pivot au cœur des routes Europe–Afrique–Amériques, deviendra un hub stratégique : plateformes logistiques de pointe, zones industrielles compétitives, réseaux énergétiques et câbles numériques feront de lui un nœud vital reliant trois continents.

La création d’une Organisation atlantique africaine garantirait le bon fonctionnement de ces échanges: fluidité commerciale, sécurité maritime, stabilité énergétique et résilience collective des États riverains, du Sahel à l’Europe. Une architecture institutionnelle qui consoliderait durablement le leadership du Maroc dans cet espace en recomposition.

Le Maroc s’affirme comme un leader de l’économie bleue et des voies maritimes critiques. Ainsi, le Royaume devient le connecteur indispensable de l’Afrique atlantique et le pont stratégique reliant cette dernière à l’Europe, au monde arabe, à la Méditerranée et au Sahel. Le Maroc ne cherche pas à conquérir des territoires, mais à favoriser une intégration positive et équilibrée de tous les pays riverains dans une vision commune d’échanges, de paix et de prospérité partagée.

En matière d’énergie, le Maroc est en passe de devenir une puissance africaine de l’énergie verte. Il dispose d’un potentiel solaire et éolien parmi les plus compétitifs au monde et se positionne comme un futur leader global dans la production et l’exportation d’hydrogène vert. Ses interconnexions électriques actuelles et futures avec l’Europe permettront d’assurer une sécurité énergétique mutuelle en période de crise ou de perturbation d’approvisionnement.

Par ailleurs, l’attractivité du Royaume pour les industries bas carbone — batteries, véhicules électriques, matériaux avancés, deep-tech — renforce son rôle dans la transition énergétique mondiale. Cette symbiose énergétique, fondée sur une interdépendance positive et non coercitive, offre une source de stabilité pour l’Afrique et pour l’Europe, à un moment où certains acteurs nord-africains tendent à instrumentaliser l’énergie à des fins politiques.

Ainsi, l’énergie devient pour le Maroc un levier de souveraineté, de compétitivité industrielle et d’influence positive, au service d’une prospérité partagée entre les deux rives de la Méditerranée et l’ensemble du continent africain.

L’investissement dans les corridors et la connectivité est vital pour un Maroc influent à l’horizon 2035. Tanger Med, premier hub portuaire de la Méditerranée et de l’Afrique, assure une articulation intelligente entre les flux méditerranéens, atlantiques et africains. L’extension du TGV vers Agadir puis Dakhla renforcera la puissance logistique continentale du Maroc, en rapprochant les territoires productifs des marchés mondiaux.

«À la croisée de la Méditerranée, de l’Atlantique et du continent africain, le Maroc est appelé à consolider son rôle de carrefour stratégique et de pont entre les régions»

Parallèlement, les corridors structurants reliant l’Atlantique au Grand Sahara et à l’Afrique de l’Ouest transformeront une zone longtemps vulnérable en un espace vertueux de développement, d’échanges et d’innovation. Avec l’Europe, la chaîne de valeur pourra devenir un modèle de co-production industrielle: un flux continu et sécurisé garantira la résilience des chaînes d’approvisionnement face aux risques géopolitiques.

Ainsi, le Maroc se positionnera comme un partenaire de souveraineté pour l’Europe et comme un catalyseur de transformation économique en Afrique. Un nouveau centre de gravité géo-économique est en train d’émerger.

Le Maroc doit poursuivre et amplifier son leadership diplomatique et sécuritaire. L’ouverture de consulats dans les provinces du Sud, dans le cadre d’une solution pacifique et réaliste au conflit artificiel autour de son territoire historique, constitue un pas majeur vers la consolidation de l’intégrité territoriale et de l’ancrage africain du Royaume. Ces représentations diplomatiques deviendront des plateformes d’attractivité économique et de connectivité logistique, assurant la fluidité des échanges commerciaux et de la mobilité des personnes.

Par ailleurs, la lutte antiterroriste en Afrique du Nord et au Sahel confère au Maroc un rôle géostratégique central. En capitalisant sur ses partenariats structurants avec les États-Unis, l’Union européenne, les pays du Golfe et de nombreux États africains, le Royaume peut continuer à jouer le rôle de moteur de coordination sécuritaire, créant un environnement propice à l’investissement, à la création d’emplois et à la prospérité régionale. En intégrant l’intelligence artificielle dans les domaines de la cybersécurité, du contrôle des frontières et du renseignement, et en coopérant avec la CEDEAO, les pays du Sahel et la CEMAC, le Maroc s’affirme comme un acteur essentiel de la stabilité du continent. Il est l’ancrage de sécurité dans un voisinage instable et stratégique.

Ce leadership s’appuie également sur un soft power puissant. La connaissance, la culture, la religion, la formation des imams, l’éducation et le football constituent les piliers d’une influence positive et inclusive. L’identité plurielle du Maroc — arabo-islamique, amazighe, hébraïque, africaine, méditerranéenne et andalouse — n’est pas une source de division, mais une force géoculturelle unique. Là où certains redoutent le métissage, le Maroc en est fier. Cette diversité maîtrisée lui permet de dialoguer naturellement avec une mosaïque d’acteurs, dans l’esprit de paix, de coopération et de solidarité.

À cela s’ajoute un leadership d’expertise: l’ingénierie aérospatiale, les technologies médicales, la cybersécurité, l’intelligence artificielle et l’innovation industrielle renforcent le Made in Morocco et projettent le Royaume dans les chaînes de valeur d’avenir. Le Maroc doit également porter une narration globale, car ceux qui écrivent le récit façonnent la stratégie… et ceux qui façonnent la stratégie deviennent des puissances.

Le Maroc de 2035 est une puissance de connexion mondiale. Il ne vise pas la domination, mais la mise en réseau des mondes. Grâce au contrôle des flux d’énergie verte, au développement de corridors maritimes et logistiques, à une diplomatie inclusive et à des infrastructures stratégiques, le Royaume peut se hisser dans le top 10 des puissances géostratégiques. Le Maroc n’est pas seulement un point de passage entre les continents: il devient l’endroit où se construit l’avenir.

Le Maroc ne se trouve plus à la périphérie du monde: il en redessine les lignes de force. 2035 ne sera pas une arrivée, mais le début d’une ère.

Par Lahcen Haddad
Le 11/12/2025 à 11h58