Le gouvernement marocain entend consolider la position du pays dans les services externalisés à l’échelle mondiale grâce à une série d’incitations fiscales et de primes à l’emploi et à la formation. Dans un entretien accordé au magazine Finances News Hebdo, Youssef Chraïbi, président de la Fédération marocaine de l’externalisation des services (FMES) et du groupe Outsourcia, explique cette nouvelle «Offre offshoring Maroc» et les enjeux qui y sont liés.
«Le timing n’a rien d’un hasard. Le secteur avait besoin d’un nouveau souffle», affirme Youssef Chraïbi. Selon lui, la concurrence s’intensifie, notamment en Afrique, où certains pays proposent des coûts de production jusqu’à trois fois inférieurs à ceux du Maroc. «Dans le même temps, les outsourceurs doivent aujourd’hui investir massivement dans l’IA, la data, l’automatisation. Ce virage technologique est coûteux, structurant et stratégique. Il fallait un accompagnement à la hauteur», souligne Chraibi. La nouvelle offre vise à repositionner le Maroc non plus sur le coût, mais sur la valeur, en se concentrant sur un service haut de gamme et des compétences hybrides, mêlant savoir-faire humain et technologie. « C’est un plan de relance ciblé pour faire du Maroc un hub de services externalisés à haute densité technologique », précise-t-il.
L’outsourcing ne se limite pas aux centres d’appels. Selon Chraïbi, le secteur englobe cinq écosystèmes: la gestion de la relation client multicanal (CRM), l’externalisation de processus métiers (BPO), les services informatiques (ITO), l’externalisation de l’ingénierie (ESO) et le brain sourcing (KPO). Pour soutenir leur développement, plusieurs leviers ont été activés, notamment des primes à l’emploi et à la formation, la modernisation des plateformes industrielles intégrées et un guichet unique pour faciliter l’installation des entreprises. Les délais d’installation devraient ainsi passer de cinq à vingt-cinq jours, avec une gouvernance transparente reposant sur un pilotage public-privé et des indicateurs de performance.
La feuille de route prévoit la création de 130.000 emplois additionnels, dont 50.000 dès 2026. Chraïbi juge cet objectif «ambitieux mais réaliste, à condition de respecter deux règles: mettre en œuvre les mesures rapidement et garantir le bon fonctionnement du dispositif de soutien». «Le vivier de talents existe. Le problème n’est pas l’offre, le vrai risque est l’immobilisme», avertit-il. Pour lui, la réussite dépendra de la rapidité et de l’efficacité de la formation et de la reconversion des talents, ainsi que de la crédibilité du soutien public.
Face à la concurrence de l’Europe de l’Est, de l’Afrique du Nord ou de l’île Maurice, le Maroc dispose de forces solides, selon Chraïbi : proximité stratégique avec l’Europe, fuseau horaire optimal, main-d’œuvre multilingue, stabilité politique et savoir-faire éprouvé. Mais certaines faiblesses doivent être corrigées, notamment la pénurie de talents IT et de soft skills, le sous-développement des régions hors de l’axe Casablanca-Rabat et l’inefficience de précédents dispositifs de soutien.
Enfin, sur l’impact de l’IA et de l’automatisation, Youssef Chraïbi nuance. «L’IA ne va pas supprimer les métiers. Elle va les transformer. Ce qui sera remplacé, ce sera l’inutile sans valeur ajoutée humaine. Mais les bons profils peuvent devenir coachs de bots, designers de parcours clients automatisés, formateurs d’IA conversationnelle, etc», affirme-t-il. Il insiste sur l’importance d’un plan de reconversion ciblé, avec des modules courts, pratiques et co-construits avec les opérateurs, afin de créer des filières hybrides combinant technologie et relation client. «Ce sont nos talents qui utiliseront l’IA pour remplacer ceux qui pensent pouvoir lui résister. À nous de former, d’accompagner et de faire émerger cette nouvelle génération», conclut-il.








