Bank Al-Maghrib maintient inchangé son taux directeur

Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib.

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu le mardi 24 septembre sa troisième réunion trimestrielle de l’année 2024. Lors de cette session, il a analysé l’évolution de la conjoncture économique nationale et internationale, ainsi que les projections macroéconomiques à moyen terme de Bank Al-Maghrib. Il a ainsi décidé de garder le taux directeur inchangé à 2,75%, tout en continuant de suivre de près l’évolution de la conjoncture économique et sociale.

Le 24/09/2024 à 12h32

Le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu le mardi 24 septembre sa troisième réunion trimestrielle de l’année 2024. Lors de cette session, il a analysé l’évolution de la conjoncture économique nationale et internationale, ainsi que les projections macroéconomiques à moyen terme de Bank Al-Maghrib.

Sur le plan international, l’activité économique s’est montrée relativement résiliente, mais devrait connaître une décélération sur l’horizon de prévision dans de nombreux pays avancés et émergents, pâtissant notamment des conditions monétaires restrictives. Quant à l’inflation, elle poursuit sa tendance baissière, avec toutefois une persistance de la hausse des prix des services dans les principales économies avancées.

Au niveau national, alors que la production agricole reste dans une large mesure tributaire des conditions climatiques, les données infra-annuelles disponibles indiquent globalement une poursuite de la reprise des activités non agricoles, tendance qui devrait être soutenue à moyen terme par l’élan attendu de l’investissement public et privé.

En parallèle, l’inflation évolue à des niveaux modérés depuis le début de l’année, reflétant essentiellement la baisse des prix des produits alimentaires à prix volatils et le ralentissement de sa composante sous-jacente. Cette dernière, après s’être établie à 5,6% en 2023, oscille autour de 2% et resterait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, proche de ce taux au cours des huit prochains trimestres.

Tenant compte notamment des changements annoncés concernant les subventions des prix des produits de base, et sous l’hypothèse d’une variation limitée à moyen terme des prix des produits alimentaires à prix volatils, l’inflation globale devrait décélérer de 6,1% en 2023 à 1,3% cette année avant de s’accélérer à 2,5% en 2025.

Le Conseil a aussi noté le renforcement de l’ancrage des anticipations d’inflation telles qu’elles ressortent de l’enquête trimestrielle de Bank Al-Maghrib auprès des experts du secteur financier. Celles-ci sont revenues au troisième trimestre à 2,2% pour l’horizon de 8 trimestres et à 2,3% pour celui de 12 trimestres.

Perspectives incertaines

Cela étant, le Conseil a relevé que les perspectives économiques et sociales à l’horizon des projections macroéconomiques de la Banque restent entourées d’un niveau élevé d’incertitudes. Celles-ci sont liées au niveau international à l’enlisement de la guerre en Ukraine, à l’escalade du conflit au Moyen-Orient et aux tensions géopolitiques qui accentuent la fragmentation économique non sans impact sur le rythme de l’activité et sur l’évolution des prix, notamment énergétiques. Au niveau national, la récurrence des sécheresses et le stress hydrique constituent un risque majeur pour la production agricole et la croissance économique plus globalement. De même, la déclinaison des orientations du projet de Loi de Finances 2025 ainsi que la poursuite des négociations dans le cadre du dialogue social pourraient se traduire par des impacts plus importants que prévu sur l’évolution de la demande et des prix.

Le taux directeur inchangé à 2,75%

Tenant compte de l’ensemble de ces données, le Conseil a jugé approprié de maintenir l’orientation actuelle de la politique monétaire. Il a ainsi décidé de garder le taux directeur inchangé à 2,75%, tout en continuant de suivre de près l’évolution de la conjoncture économique et sociale.

Sur les marchés internationaux des matières premières, les prix du pétrole devraient ressortir en quasi-stabilité cette année avant d’enregistrer une légère augmentation dans un contexte marqué par les incertitudes géopolitiques qui entourent la reprise de la demande et par la réduction de la production de l’OPEP+.

Le cours du Brent en particulier continuerait d’osciller autour de 82 dollars le baril cette année et devrait s’accroitre à 84,2 dollars en 2025. Pour ce qui est du phosphate et ses dérivés d’origine marocaine, le prix du DAP devrait, selon les projections de la Commodities Research Unit, se maintenir autour de 590 dollars la tonne, alors que celui du phosphate brut s’inscrirait en repli, passant de 265 dollars la tonne en 2023 à 229 dollars en 2024 puis à 217,5 dollars la tonne en 2025.

Concernant les prix des denrées alimentaires, après sa contraction de 13,8% en 2023, l’indice FAO devrait reculer de 3,5% en 2024, avant d’afficher une hausse de 3,2% en 2025. S’agissant des perspectives de l’économie mondiale, la croissance se stabiliserait aux Etats-Unis à 2,6% cette année mais devrait décélérer à 1,6% en 2025. Dans la zone euro, elle reviendrait de 1% en 2023 à 0,8% en 2024 avant de s’améliorer à 1,5% en 2025. Dans les principaux pays émergents, la vigueur affichée par l’économie indienne se maintiendrait avec une croissance prévue à 7,3% cette année et à 6,8% en 2025, et ce, après un taux de 7,8% en 2023.

En Chine, en revanche, le rythme de l’activité ralentit graduellement, avec une progression du PIB qui devrait passer de 5,2% à 5% puis à 4,7% respectivement. Dans ces conditions, l’inflation devrait poursuivre sa décélération tendancielle, revenant au niveau mondial de 4,8% en 2023 à 3,7% en 2024 puis à 3,2% en 2025. Elle reculerait respectivement de 4,1% à 2,9% puis à 2,5% aux Etats-Unis et devrait passer dans la zone euro de 5,4% en 2023 à 2,5% cette année puis se stabiliser à ce niveau en 2025.

Dans ce contexte de repli de l’inflation et d’inquiétudes entourant les perspectives économiques, la tendance à l’assouplissement des politiques monétaires des banques centrales des principales économies avancées se poursuit. Ainsi, après avoir marqué une pause lors de sa précédente réunion, la BCE a réduit, le 12 septembre, le taux d’intérêt de la facilité de dépôt de 25 pb à 3,50%. Pour sa part, la FED a décidé, à l’issue de sa réunion des 17 et 18 septembre, d’opérer, pour la première fois depuis mars 2020, une baisse de la fourchette cible du taux des fonds fédéraux de 50 pb à [4,75%- 5%].

En revanche, après avoir procédé le 31 juillet à une réduction de 25 pb, la Banque d’Angleterre a maintenu le 18 septembre son taux directeur inchangé à 5%.

Une croissance de 2,8% en 2024

Au niveau national, après une accélération à 3,4% en 2023, la croissance économique devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, ralentir à 2,8% cette année, avant de rebondir à 4,4% en 2025. Cette prévision recouvre une contraction de 6,9% de la valeur ajoutée agricole en 2024, puis une progression de 8,6% en 2025, sous l’hypothèse d’une production céréalière moyenne de 55 millions de quintaux.

Tirée principalement par les industries manufacturières et extractives ainsi que par les activités liées au tourisme, la croissance non agricole devrait continuer à s’améliorer, passant de 3,6% en 2023 à 3,9% en 2024 et en 2025.3 Sur le plan des comptes extérieurs, après une baisse en 2023, les échanges de biens devraient afficher une reprise en 2024 qui se poursuivrait à moyen terme. Ainsi, les exportations de biens se renforceraient de 4,8% en 2024 et de 9,2% en 2025, reflétant essentiellement des progressions des ventes du secteur automobile qui atteindraient 187,4 milliards de dirhams en 2025 et de celles des phosphates et dérivés qui dépasseraient les 90 milliards la même année.

De même, après un repli de 2,9% en 2023, les importations augmenteraient de 5% en 2024 et de 9% en 2025, tirées principalement par les achats de biens d’équipement. En particulier, la facture énergétique s’allégerait de 2,8% cette année avant de s’alourdir de 4,5% à 123,9 milliards de dirhams en 2025.

En parallèle, la bonne performance des recettes voyages devrait se maintenir avec des accroissements de 7,1% en 2024 et de 4,6% à 117,3 milliards de dirhams en 2025. Concernant les transferts des MRE, les projections tablent sur un rythme annuel autour de 3% pour atteindre 121,8 milliards de dirhams en 2025. Ces évolutions devraient ainsi permettre de contenir le déficit du compte courant à l’équivalent de 1,4% du PIB en 2024 et de 2,6% en 2025, après 0,6% en 2023.

S’agissant des investissements directs étrangers, leurs recettes rebondiraient à l’équivalent de 3,1% du PIB en 2024 puis à 3,2% en 2025 après 2,4% en 2023. Au total, et tenant compte essentiellement des financements extérieurs prévus du Trésor, les avoirs officiels de réserve de Bank Al-Maghrib continueraient de se renforcer pour atteindre 384,3 milliards de dirhams à fin 2024 et 397,4 milliards à fin 2025, représentant ainsi une couverture avoisinant les 5 mois et demi d’importations de biens et services.

Pour ce qui est des conditions monétaires, le besoin de liquidité bancaire continuerait de se creuser passant de 111,4 milliards de dirhams à fin 2023 à 120,4 milliards en 2024 et à 146,6 milliards en 2025, tiré essentiellement par l’expansion de la monnaie fiduciaire. Tenant compte de l’évolution attendue des activités non agricoles et des anticipations du système bancaire, la progression du crédit bancaire au secteur non financier s’accélérerait à 3,3% en 2024 et à 4,7% en 2025, après une croissance de 2,7% en 2023.

Amélioration de 11,2% des recettes ordinaires

S’agissant du taux de change effectif réel, il devrait enregistrer une légère appréciation de 0,7% en 2024, reflétant une augmentation en termes nominaux, partiellement compensée par une inflation domestique moins élevée que chez les principaux partenaires et concurrents commerciaux. En 2025, il devrait connaitre une stabilité.

Sur le volet des finances publiques, l’exécution budgétaire au titre des huit premiers mois de 2024 fait ressortir une amélioration de 11,2% des recettes ordinaires, portée notamment par la performance notable des rentrées fiscales. En parallèle, les dépenses globales se sont alourdies de 8,9% reflétant en particulier la progression des dépenses en biens et services et celles d’investissement. Tenant compte de ces réalisations, de l’évolution prévue de l’activité économique et des orientations annoncées du projet de Loi de Finances 2025, le déficit budgétaire devrait, selon les projections de Bank Al-Maghrib, se stabiliser autour de 4,4% du PIB en 2024 avant de revenir à 3,9% du PIB en 2025.

Par Youssef Bellarbi
Le 24/09/2024 à 12h32