Architectes: des plans cachetés à 200 DH!

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L'Ordre des architectes dénonce la prolifération des "architectes signataires" et promet de faire de 2016 l'année des sanctions.

Le 19/02/2016 à 14h06

Aussi surprenant que cela puisse paraître, des architectes peuvent signer des plans, sans en avoir réellement fait l’étude, à partir de 200 DH!

C’est le triste constat que vient de faire l’Ordre des architectes lors d’un point de presse pour dénoncer la prolifération de ce qu’ils appellent des «architectes signataires».

La pratique, qui semble bien plus répandue qu’il n’y paraît, consiste en la réalisation des plans de bâtiments par des tiers disposant de connaissances dans le dessin, et les faire cacheter par des architectes pour les valider. Selon l’Ordre des architectes, «dans certaines villes, le taux des dossiers cachetés par les architectes signataires peut atteindre les 80% des projets réalisés».

Karim Sabi, président du Conseil régional de Casablanca ajoute: «Nous avons dans certaines villes des architectes qui signent jusqu’à 2.000 documents par an». Il s’étonne qu’un professionnel puisse arriver à un chiffre pareil ,sachant que le traitement du plus simple des dossiers peut prendre plusieurs jours.

Les administrations locales impliquées

Pour les membres de l’Ordre des architectes, la prolifération de cette pratique s’explique par plusieurs raisons, mais toutes renvoient à la présence dans les administrations de fonctionnaires jouant l’intermédiaire entre dessinateur de plans et architectes véreux. En effet, la réglementation impose le cachet d'un architecte sur tout plan pour qu’il soit valable.

“Certains, des jeunes diplômés ou des architectes en difficulté financière, sont tentés de vendre leur signature ou même de louer leur cachet à des tiers pour s’assurer un minimum de revenu”. Selon les investigations menées, la location des cachets peut rapporter jusqu’à 30.000 DH par mois, sans qu’aucun travail n’ait été réalisé. Pour ceux qui préfèrent signer eux-mêmes, les prix peuvent être bradés jusqu’à 200 DH par dossier. L’architecte retrouve alors son compte en traitant plusieurs dossiers par jour.

Pour mesurer l’économie qui peut être réalisée en recourant à cette pratique, il suffit de dire qu’à Casablanca par exemple, un architecte «honnête» facture en moyenne 300.000 DH pour un immeuble R+5, alors qu’un «architecte signataire» peut le faire à partir de 2.000 DH. Même en comptant les différents dessous de table que le promoteur du projet doit verser pour faire vailder son document, il est clair que l’économie peut être énorme.

Mais cela n’est pas la seule raison qui explique le recours à cette fraude. «Dans certaines villes, des promoteurs nous ont rapporté que pour avoir rapidement les autorisations des autorités locales, il fallait s’adresser à ces notaires signataires. A défaut, les circuits pour l’obtention de ces autorisations deviennent soudainement trop long», affirme-t-on auprès de l’Ordre des architectes.

En tout cas, celui-ci, qui promet d’activer tous les moyens en son pouvoir pour sanctionner tous ceux qui recourent à ces pratiques et appelle à la mobilisation des administrations locales pour l' accompagner à la définition de ces architectes véreux.

Par Younès Tantaoui
Le 19/02/2016 à 14h06