Amnistie fiscale: 125 milliards de dirhams déclarés, une formidable bouffée d’oxygène pour les banques

Le siège de Bank Al-Maghrib, à Rabat.

Les avoirs déclarés dans le cadre de la récente amnistie fiscale, estimés à 125 milliards de dirhams, renforcent de manière substantielle la liquidité bancaire. Comment les banques devront utiliser de façon optimale ces dépôts exceptionnels au profit de l’économie? Explications avec Taïb Aisse, expert en finance et en économie.

Le 11/01/2025 à 12h04

La réussite de l’opération d’amnistie fiscale a été confirmée officiellement. Selon Mustapha Baïtas, porte-parole du gouvernement, qui s’exprimait le jeudi 9 janvier lors d’un point de presse, les avoirs déclarés dans le cadre de cette opération introduite dans la loi de finances 2024 avoisinent les 125 milliards de dirhams.

Outre son apport en termes de recettes fiscales pour le budget de l’État, estimé à quelque 6 milliards de dirhams (MMDH), cette manne est aussi une aubaine pour les banques, qui vient renforcer de manière substantielle leurs liquidités, marquées par un déficit chronique.

Ce dernier était ainsi de 135,3 MMDH en moyenne durant la semaine du 2 au 9 janvier 2025 (en allègement, toutefois, de 4,15%), indique BMCE Capital Global Research dans la dernière édition de sa publication «Fixed Income Weekly».

Ce déficit est comblé par Bank Al-Maghrib (BAM), qui affirme satisfaire l’intégralité des demandes de liquidités exprimées par les banques et continuer à mettre en œuvre ses programmes de refinancement à plus long terme. Au terme de la semaine écoulée (du 2 au 9 janvier 2025), les avances 7 jours de la Banque centrale au profit des banques se sont établies à 60,2 MMDH, en contraction de 12,4 MMDH par rapport à la semaine précédente.

À noter que ce déficit est structurel. En 2023, le besoin de liquidité des banques s’est accentué à 83,2 MMDH en moyenne hebdomadaire, contre 80,9 milliards en 2022 et 70,8 MMDH une année auparavant. Cette évolution résulte essentiellement de la forte progression de la monnaie fiduciaire et de l’amélioration des avoirs extérieurs, explique BAM.

Les banques doivent accompagner les porteurs de projets

Selon les projections de la Banque centrale, le besoin de liquidité bancaire, tiré principalement par l’expansion de la monnaie fiduciaire, continuerait de se creuser pour atteindre 192,3 milliards de dirhams en 2026. Autant dire que les dépôts issus de l’amnistie fiscale constituent une grande bouffée d’oxygène pour les banques. Et la question qui se pose est de savoir comment elles les utiliseront.

Interrogé par Le360, Taib Aisse, expert financier et économique, indique que les banques devront se servir de ces dépôts exceptionnels pour financer davantage l’économie, en prêtant notamment aux entreprises, contribuant ainsi à la dynamisation de l’économie et à la création d’emplois. Surtout qu’un coefficient multiplicateur permet aux banques de prêter jusqu’à 8 fois cette manne, relève-t-il.

Notre interlocuteur affirme à cet effet que nombre de projets viables ne trouvent pas de financements, appelant les banques à prendre des risques, mais aussi à accompagner les porteurs de projets pour rendre leurs dossiers bancables. À défaut, elles doivent, au moins, orienter ces clients vers des experts-comptables qui les assisteront pour préparer des dossiers bien ficelés et étudiés et, donc, bancables, ajoute-t-il.

D’ailleurs, relève-t-il, un expert-comptable peut continuer à accompagner un porteur de projet au-delà de la phase du financement pour accroître ses chances de réussite et lui permettre de dégager suffisamment de cash-flow pour commencer à rembourser son crédit.

Cet apport en liquidités pourra aussi servir à attirer une partie de l’informel vers le secteur organisé de l’économie, à condition, toutefois, de prendre des mesures d’accompagnement à cet effet, poursuit l’expert. Ce qui n’est malheureusement pas encore le cas, déplore-t-il.

Par Lahcen Oudoud
Le 11/01/2025 à 12h04