Le monde vient de perdre une grande dame. Une dame d’esprit et de cœur qui laissera un vide immense au Maroc, pays où elle vivait et dont elle a grandement participé au rayonnement culturel en étudiant et faisant connaître son patrimoine artistique et, en particulier, ses artistes, en retraçant notamment l’histoire de l’art contemporain marocain. Tzvetomira Tocheva Hanine s’en est allée, à l'âge de 37 ans à peine. Frappée par une fièvre fulgurante alors qu’elle était en déplacement en Côte d’Ivoire, elle s’est éteinte, samedi soir, à Sofia, en Bulgarie. L’épouse de Adil Hanine, membre des Hoba Hoba Spirit, laisse derrière elle ses trois tous petits enfants, une famille meurtrie et sous le choc dévastateur de sa soudaine disparition, tout comme les nombreux amis qu’elle avait.
Le monde de l’art et de la culture est de même en deuil, lui qui avait été passionnément porté et promu par cette jeune et brillante historienne de l’art à la plume incomparable et qui avait consacré sa thèse de doctorat à l’art marocain : "Naissance et évolution de l'art contemporain au Maroc (1922 à nos jours)", tel est en effet le titre de la recherche qu'elle a menée et dont elle devait vivre le grand moment de la publication, prévue dans un mois.
Un apport intellectuel inestimable
Il est impossible de faire le tour de l’immense apport intellectuel de Tzvetomira Tocheva Hanine, pour qui l’univers de l’art n’avait plus aucun secret. D’origine bulgare, la jeune femme s’était bien sûr, entre autres, intéressée aux artistes des pays de l’Est comme, pour n'en citer que quelques-uns, Georgui Yamaliev, Aexander Yuzev, Dan Tenev, Vitaly Russakov… Mais c’est surtout pour l’art contemporain marocain, auquel elle consacrera nombre d’études, qu’elle se passionnera. Nabil El Makhloufi, Meki Megara, Hicham Benohoud, Marcelin Flandrin et ses photographies du Maroc, les différents mouvements artistiques marocains que ce soit dans les arts plastiques ou la photographie… Tzvetomira Tocheva Hanine était non seulement une experte de l’art contemporain marocain qu'elle connaissait autant qu'elle l'aimait et l'admirait mais, de plus, une poétesse. Sa sensibilité unique nous livrait les artistes et leurs œuvres à travers un prisme à nul autre pareil. Acuité du regard, et acuité du cœur : autant de qualités pour lesquelles beaucoup l’ont sollicitée, que ce soit pour des articles, des essais ou des monographies.
Tzvetomira Tocheva a ainsi beaucoup collaboré avec des galeries d’art, et particulièrement avec l’Atelier 21 où elle a tissé des liens d’intense amitié qui dépassent de loin le simple cadre de la collaboration professionnelle. Mais ceux qui l’aiment sont aujourd’hui frappés de mutisme et Aziz Daki, directeur associé de la galerie, n’a pu que nous faire part de cette terrible nouvelle avant de confier : "Je suis trop triste pour parler. Tout ce que je peux dire, c’est qu’elle était adorée de tout le monde".




