A Casablanca où elle vit aujourd’hui, Oumaima El Mouatez a réussi à imposer sa série de collages digitaux, «Tamghart». Ses représentations: des femmes, souvent amazighes, droit sorties de l’histoire du Protectorat au Maroc… De ces vieilles cartes postales échangées entre soldats français, qui mettent en scène des prostituées du quartier Bousbir, elle a fait renaître ces femmes et les a sorties d’un oubli.
Un joli succès casablancais, qui lui a valu de collaborer au tout dernier album de la chanteuse Oum, «Hal», dont elle a dessiné la pochette.
Mais Oumaima El Mouataz revient aux femmes de Bousbir: «ces femmes oubliées méritent qu’on raconte leur histoire», explique-t-elle. Un univers à la fois juvénile et violent, qui a su inspirer la créatrice, qui dit avoir été confronté dès son plus jeune âge à deux thématiques, celle «de la femme marocaine» et celle de la «culture amazighe», très peu représentées, estime-t-elle, dans la vie publique et dans le monde des arts.
«Tamghart» (qui signifie tout simplement «Femmes», en amazigh), le nom donné à sa série sur les femmes de Bousbir, entend renouer avec deux périodes distinctes, toutes deux oubliées: celle du tout récent Protectorat français au Maroc, et plus loin encore dans le temps, celle d’une ère anté-islamique, rêvée, inspirée de mythes anciens transmis par l’oralité, avec lesquels cette artiste tente de faire revivre une culture ancestrale.
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Née à Essaouira, Oumaima El Mouatez s’est très tôt laissée bercer par l’environnement de cette ville d’artisans. Elle a passé de longues heures dans leurs échoppes, fascinée par le travail délicat d’ébénisterie en bois de thuya ou de citronnier, parsemé, parfois, de nacre…
Très jeune déjà, elle a su développer son sens de l’observation. Elle sait aujourd’hui détecter la beauté cachée de l’environnement qui l’entoure. Un regard aguerri, grâce au travail manuel de l’artisanat auquel elle se met dès l’enfance.
Autre thème qui tient à cœur à Oumaima El Mouatez: rappeler que la mythologie amazighe est aussi riche que celle d’autres cultures. Et d’expliquer: «il y a fort longtemps, en Afrique du Nord, la civilisation amazighe a prospéré, avec son peuple, sa culture et sa mythologie. Si l'on en sait beaucoup sur l'imaginaire d'autres civilisations antiques tel que la Grecque ou l'Egyptienne, l'imaginaire amazigh est encore un territoire sauvage, une "Terra Incognita" dans le monde de l'Art».
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Les Amazighs, dit-elle, nous ont «légué très peu de monuments et de vestiges anciens», mais ils «croyaient toutefois à la sacralité des femmes».
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Dans ses créations, Oumaima El Mouatez cherche sans cesse à développer son propre univers, et n’hésite pas à allier des médiums très différents: peinture, photographie, collages de différentes matières, impressions de créations digitales... Ses œuvres sont le reflet de l’environnement dans lequel elle a grandi. Un beau mélange d’illustrations abstraites et de couleurs vives.