Professeur de philosophie à l’Université Columbia de New York, aux États-Unis, Souleymane Bachir Diagne est l’un des invités de marque de la 2ème édition du Festival du livre africain de Marrakech (FLAM). Lors de sa leçon inaugurale, le 8 février au centre culturel Les Étoiles de Jamâa El Fnaa, une large assistance était présente.
Durant cette conférence, Souleymane Bachir Diagne, ancien conseiller pour l’éducation et la culture de l’ex-président du Sénégal Abdou Diouf, a déclaré qu’il est aujourd’hui plus que nécessaire de faire de l’Afrique un espace unique qui puisse être parcouru dans tous les sens. Il en parle pour Le360.
Le360: Durant votre leçon inaugurale au FLAM 2024, vous avez évoqué le concept de remembrement de l’Afrique. Quel modus operandi proposez-vous?
Je pense que nous sommes déja sur la bonne voie. Ce n’est pas une entreprise qui va commencer à zéro. C’est une entreprise qui s’est imposée à nous. Regardons par exemple ce qu’il se passe sur le continent. C’est vrai qu’il y a des hauts et des bas, des retours en arrière. Preuve en est que des pays aussi importants que le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont décidé de claquer la porte de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).
Ceci est certes un très mauvais signal pour ce qui est de la construction africaine, mais si nous regardons de plus près, nous nous rendons compte que notre continent s’est doté d’un accord pour faire de la totalité de l’Afrique un seul et unique marché. On prend conscience aussi que les pays africains se tournent vers eux-mêmes et qu’ils disposent de politiques africaines. Chose que nous n’avions pas auparavant. Ce qui existait, c’était une sorte d’intégration verticale dans le monde, et non pas des relations horizontales que nous cultivons.
«Il faut penser le panafricanisme comme un panafricanisme qui est rééducable jusqu’au Caire, qui irait de la corne de l’Afrique jusqu’à Dakar et qui tient également compte du divers africain et de l’unité nécessaire de l’Afrique.»
— Souleymane Bachir Diagne
Nous nous sommes engagés dans cette voie-là et il y a donc des raisons de penser que ce remembrement de l’Afrique est en cours avec toutes les difficultés rencontrées, les retours en arrière, les coups d’arrêt auxquels nous asistons et que je viens de citer. Mais l’un dans l’autre, le mouvement va dans la direction indiquée.
Vous avez parlé d’un «panafricanisme bizarre»...
Oui, il y a un type de panafricanisme qui est très agressif, centré sur la race par exemple, et c’est la dernière chose que nous voulons voir se développer sur notre continent. Il faut penser ce continent comme une seule entité, il faut penser le panafricanisme comme un panafricanisme qui est rééducable jusqu’au Caire, qui irait de la corne de l’Afrique jusqu’à Dakar et qui tient également compte du divers africain et de l’unité nécessaire de l’Afrique.
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Quels sont les outils souverains dont dispose l’Afrique pour pouvoir opérer ce changement?
Il y a une volonté politique qu’il faut développer, il faut une conscience panafricaine et panafricaniste de nos leaders et il faut également simplement que l’unification de l’espace africain à travers les infrastructures se fasse. Il y a une condition nécessaire, c’est que nous puissions faire de cet espace de l’Afrique un lieu unique qui puisse être parcouru dans tous les sens. Souvent il est plus facile de se déplacer d’un point de l’Afrique à un autre, de remonter vers le nord pour redescendre, or, c’est à cela qu’il faut que nous trouvions une solution.
On le voit aujourd’hui, ces solutions sont en train d’être trouvées et mises en place. Si on prend l’exemple du pays dans lequel nous nous trouvons, le Maroc, il a une politique africaine affirmée. La présence économique du Maroc dans plusieurs pays de plus en plus importants est un signe de la direction qui est en train d’être prise et de ce que j’ai appelé une politique africaine des États africains.
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