Adèle est journaliste. Elle est mariée à Richard, médecin et, ensemble, ils ont un enfant qu’ils aiment. De loin, on pourrait croire à une famille sans histoires. Sauf que sous le vernis de ce mariage si conventionnel, des histoires, il y en a et elles ne sont pas forcément joyeuses!
Le malheur d’Adèle, personnage principal du roman, vient de son corps qui la tourmente tout le temps. Elle le porte comme on porte un crime, un destin tragique, un fardeau, une douleur. Adèle, la journaliste, fait du plagiat en journée et trompe son mari le soir ou plutôt à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, n’importe où avec n’importe qui. Parce qu’Adèle a besoin de cet érotisme qui « habillait tout. Il masquait la platitude, la vanité des choses ».
Elle a besoin d’un déracinement de la société, elle le fait avec violence. Adèle s’arrache au système dans une souffrance toujours poussée à ses derniers retranchements « Elle se lève, boit un café très fort dans la maison endormie. Debout dans la cuisine, elle se balance d'un pied sur l'autre. Elle fume une cigarette. Sous la douche, elle a envie de se griffer, de se déchirer le corps en deux. Elle cogne son front contre le mur. Elle veut qu'on la saisisse, qu'on lui brise le crâne contre la vitre ».
Adèle n’existe qu’à travers le désir. Lorsqu’elle s’en éloigne, elle est quasi morte. Paradoxalement, c’est quand le personnage perd sa chair (son corps) qu’il prend en épaisseur. Adèle devient esquisse. « Elle est atrophiée, nerveuse, angoissée dès lors qu’elle n’est plus dans le désir. En même temps, son fils lui procure du bonheur et il lui arrive d’être convaincue de la nécessité de vivre une existence normale, auprès de son mari. Elle n’est pas morte, non, plutôt dans un état un peu somnambulique», concède Slimani.
Lorsque le mari trompé découvre la réalité de son couple, les équilibres changent. Adèle perd pied et troque la vie qu’elle a choisie pour celle que les autres ont choisie pour elle. La transformation du personnage à ce moment de l’histoire est bien menée même si l’héroïne dit de moins en moins de choses.
Dans le jardin de l’ogre, Gallimard, Leila Slimani, 214 pages, 17.50 euros.