Kamel Daoud: La fatwa ne le musèlera pas

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Kamel Daoud s'est vu dernièrement frappé d'une fatwa lancée contre lui par un imam salafiste. Encore un intellectuel algérien qu'on cherche à museler.

Le 19/12/2014 à 11h30

Son premier roman «Meursault, contre-enquête» a créé l’événement. Présélectionné pour le Goncourt et comptant parmi les dix finalistes du Prix des cinq continents de la Francophonie et du Prix François Mauriac, le roman de Kamel Daoud, d’abord publié en Algérie, aux éditions Barzakh, avant d’être publié cher Actes Sud, a en effet été l’une des grandes et belles surprises littéraires de cette rentrée.

Mais voici qu’Abd El Fattah Hamdache, un imam à la tête de la «Sahwa islamique salafiste libre», mouvement non reconnu, a entrepris de lancer une fatwa contre l’écrivain, journaliste et chroniqueur algérien, appelant à son meurtre pour «apostasie et hérésie». Bien que conscient du fait que ses chroniques dans Le quotidien d’Oran dérangent les islamistes, Kamel Daoud a été le premier choqué par cet appel au «système algérien à le condamner à mort publiquement». Et la «sentence» est aussi violente que les qualificatifs employés par l’imam pour condamner celui qu’il décrit comme un «écrivain apostat, mécréant, algérien «sionisé», criminel (qui) insulte Dieu...» 

«Fatwa pour me tuer émise par le mouvement salafiste algérien, signée par Abd El Fettah Hamdache. Voilà où mène le sentiment d'impunité chez ces gens là», a écrit sur son compte Twitter Kamel Daoud qui, mardi 16 décembre, déclare à Tout sur l'Algérie: «Je vais déposer plainte, demain matin, parce que c'est un appel au meurtre. Qu'est ce que je peux faire? C'est la conséquence du sentiment d'impunité dont bénéficient les islamistes en Algérie. Quand ils peuvent tenir des universités d'été, quand ils peuvent être au-dessus de la loi, pourquoi ne pas appeler au meurtre maintenant.»

Croyant certainement donner plus de légitimité à la sentence qu’il revendique, l’imam Hamdache a tenu à préciser qu’il n’avait jamais appelé les citoyens musulmans à tuer par eux-mêmes l’écrivain: «Je n'ai pas dit que j'allais le tuer et je n'ai pas appelé les musulmans à le faire. On demande au pouvoir algérien d'appliquer la condamnation à mort». C’est donc à un crime «légalisé» qu’appelle le salafiste. Les intellectuels algériens sont décidément condamnés à la violence d’une implacable censure qui n’a cependant jamais réussi à les museler. Bien au contraire. Et les milieux intellectuels maghrébins et français, en émoi depuis l'émission de cette fatwa, s'insurgent aux côtés de l'écrivain dont la parole n'a aujourd'hui que plus d'écho.

Par Bouthaina Azami
Le 19/12/2014 à 11h30