Dans le cinéma, Mohamed Bastaoui est ce qu’on peut appeler «une gueule». Une belle gueule en plus. Un artiste accompli, à qui le talent a permis de naviguer entre les rôles avec cette aisance typique des grands, brillant de mille feux à chacune de ses apparitions. Pourtant, rien ne prédestinait Bastaoui à devenir un monument du cinéma marocain. Quand, à 26 ans, ce natif de Khouribga émigre en Europe, il met de côté son rêve de poursuivre des études de théâtre. En Italie où il s’installe un bon bout de temps, il fait même le marché ambulant. Mais avec son retour au bled, il est décidé: il sera comédien.
Ayant du mal à convaincre les troupes de théâtre, il se réfugie à Dar Labrihi où il travaille sur le célèbre programme pour enfant «Al Kanat Assaghira». Il compose des textes et des poésies à portée pédagogique, mais continue de nourrir le rêve de monter sur les planches. C'est chose faite en 1987 quand il rejoint la troupe de «Masrah Al Yaoum», dirigée par Touria Jabrane qui, au départ, n’en voulait pas. «On me prenait pour un plouc», aimait-il raconter à ses proches des années plus tard quand il était au summum de sa carrière.
Toutefois, c’est bien dans des rôles de paysan que Bastaoui va connaître le succès, notamment dans des séries télévisées, comme Oulad Ennas, Jnane Lkarma ou Oujaâ Trab. Au fil des années, le comédien a su varier son registre tout en gardant ce timbre d’authentique terrien, un weld lblad, weld chaâb. «Châyba», le nom de son personnage dans Oujaâ Trab, fut d’ailleurs le sobriquet dont l'affublèrent ses fans tout au long de sa carrière.
Le grand écran, Bastaoui va le crever une première fois sous la direction de Daoud Aoulad Syed dans «Adieu Forain» (1998). Il devient d’ailleurs l’acteur fétiche du réalisateur avec lequel il tourne «En attendant Pasolini» en 2008. Sa filmographie compte une dizaine d’opus dont les plus connus sont «Tayf Nizar», signé Kamal Kamal (2001), «Mille mois» de Faouzi Bensaidi (2003) ou encore «Mains rudes» de Mohamed El Asli, pour lequel Bastaoui a reçu le Prix du premier rôle masculin au festival national du film de Tanger en 2012.
Mohamed Bastaoui aimait le cinéma et le cinéma le lui rendait bien. Comme en témoigne l’hommage qui lui a été rendu lors du Festival international du film de Marrakech en 2011. Avec sa disparition, aujourd’hui, le cinéma marocain est orphelin d’un de ses monstres sacrés. Qu’il repose en paix sous cette terre qu’il a tant chérie, à la vie comme à l’écran.