L'exposition, qui se tient jusqu'au 31 juillet au Musée Mohammed VI d'art moderne et contemporain de Rabat (MMVI), "est un véritable évènement", se félicite Colline Zellal, conservatrice du patrimoine au musée national Picasso-Paris et commissaire de l'exposition. "Avoir 115 oeuvres de Picasso dans un seul et même espace, c'est un rêve", renchérit Abdelaziz El Idrissi, le directeur du musée. Car les Marocains "vont voir pour la première fois des oeuvres de référence qu'ils ont vues uniquement dans les manuels scolaires".
Le royaume, qui ne compte qu'une quinzaine de musées publics jusque-là peu fréquentés, affiche depuis quelques années sa volonté de dynamiser la culture, en particulier à Rabat, érigée en "Ville lumière". "Face à Picasso" revient sur "l'ensemble de la vie et de la production" de ce prodigieux inventeur de formes, qui a vécu au service de l'art et révolutionné la peinture du XXe siècle.
Peintre, dessinateur, sculpteur, céramiste, graveur, décorateur, écrivain même, Pablo Ruiz Picasso a laissé plus de 60.000 oeuvres avant son décès à 91 ans dans son dernier atelier du sud de la France à Mougins (Alpes-Maritimes) en 1973. L'exposition, organisée par la Fondation nationale des musées du Maroc (FNMM) en collaboration avec le Musée national Picasso-Paris, est un parcours pluridisciplinaire et chronologique de l'oeuvre de l'artiste.
"On commence aux toutes premières années de sa production avec une toile que Picasso a peinte à 14 ans ("La fillette aux pieds nus", 1895). Et on va jusqu'à la fin de sa vie avec un de ses derniers autoportrait, Le jeune peintre (1972)", énumère Mme Zellal.
"L'idée est de montrer les différents styles qu'il a traversés et révolutionnés tout au long de sa vie, avec toutefois un thème qui sert de fil rouge à l'ensemble du parcours: celui de l'artiste et son modèle", explique-t- elle.
Car l'ensemble des techniques et des styles que "s'approprie" le natif de Malaga sont "mis en lumière à travers la question du modèle, que l'artiste n'a de cesse d'explorer tout au long de sa vie et qu'il plie à toutes les métamorphoses", selon les organisateurs. Dans la centaine d'oeuvres exposées, issues des collections du Musée Picasso-Paris, figurent La Cuisine (1948), à la mémoire du poète Guillaume Apollinaire, Nu assis (étude pour "Les demoiselles d'Avignon", hiver 1906-1907), La lecture (1932), La femme enceinte (1959), La femme aux mains jointes (1907) mais aussi des sculptures, photographies, céramiques...
"C'est un parcours ludique, jalonné par des oeuvres considérées comme des références, depuis les débuts de Picasso jusqu'aux derniers jours avant sa disparition. Cela veut dire que c'est un parcours complet d'un des maîtres de la création artistique à l'échelle planétaire", poursuit M. El Idrissi.
Il s'agit aussi "d'aborder la question de l'influence de l'art africain sur l'oeuvre" de Picasso, une "influence particulièrement nette au cours de la période cubiste", selon les organisateurs. L'exposition sera inaugurée lundi par la princesse marocaine Lalla Salma, épouse du roi Mohammed VI, et ouvrira au public deux jours plus tard, à la place de "L'Afrique en capitale", qui faisait depuis fin mars la part belle à l'art contemporain africain.
En 2016, le jeune musée de Rabat MMVI -inauguré en 2014- avait accueilli une vaste rétrospective du sculpteur suisse Alberto Giacometti, autre artiste majeur du XXe siècle. Les grandes fortunes marocaines sont nombreuses à investir dans la construction de musées privés. Le magnat de l'immobilier Mohamed Alami Lazraq a ainsi lancé à Marrakech un musée consacré à l'art contemporain africain, entre parcours de golf et bâtisses de luxe. Leila Mzian Benjelloun, épouse du plus grand banquier du pays, ouvrira en 2018 un musée des arts traditionnels dans un quartier huppé de Casablanca.