Leïla Faraoui est la première galeriste marocaine. Épouse de l’architecte Abdesslam Faraoui, elle a, dès les années 1970, côtoyé ceux qui allaient écrire l’histoire de l’art contemporain au Maroc. Les pionniers — Chabaa, Melehi, Belkahia —, accompagnés d’autres artistes majeurs comme Aguenay, Hamidi, Kacimi, Saddouk, feront les grandes heures de la Galerie Nadar à Casablanca.
Fondée en 1974 rue des Archers, en plein cœur de la métropole, la galerie deviendra rapidement un haut lieu de l’avant-garde artistique. Plus tard, elle déménagera au quartier Maârif, au 5 rue Manaziz, là même où se tient aujourd’hui l’exposition «Impressions à Nadar», ouverte depuis le 23 avril 2025.
Depuis sa création, la Galerie Nadar a accueilli plus de 100 artistes, marocains et étrangers, et organisé plus de 200 expositions et événements, confirmant son rôle majeur dans la scène culturelle casablancaise et marocaine.
La rétrospective «Impressions à Nadar» est le fruit d’un minutieux travail de documentation mené depuis au moins huit ans par Nihal Faraoui, petite-fille de la fondatrice. À travers des archives rares, des correspondances, des affiches réalisées par les artistes eux-mêmes, Nihal retrace l’épopée d’un lieu devenu mythique, témoin vivant de l’évolution artistique et culturelle du Maroc.
«Leïla Faraoui est la première femme marocaine qui a tenu une galerie d’art à Casablanca pour montrer des artistes marocains, alors qu’à l’époque la tendance était aux artistes orientalistes», confie Nihal Faraoui pour Le360. Plongée pendant plus de huit ans dans les archives familiales, Nihal, accompagnée de sa mère Amina et de sa tante Zineb — qui dirigent aujourd’hui la galerie —, a décidé de redonner vie à ce précieux patrimoine.
Visionnaire, Leïla Faraoui refusait de se limiter aux noms établis. «J’ai voulu que ce soit à partir de mes positions de médiateur habile que l’artiste devienne recherché, reconnu. Et c’est ce qui s’est passé: ceux qui ont fait l’histoire de l’art contemporain au Maroc sont passés à leurs débuts par la Galerie Nadar», déclarait-elle en 2007 à Tzveti Tocheva. Un pari audacieux, dont «Impressions à Nadar» célèbre aujourd’hui la réussite.
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Fermée en 1998 avant de rouvrir en 2005, la galerie a traversé les décennies sans jamais trahir l’esprit de ses débuts: celui d’un espace ouvert, engagé, résolument tourné vers la jeune création. «Ma grand-mère s’est attachée à faire connaître de jeunes artistes, les aider à grandir. Certains ont percé, d’autres moins. Mais elle a toujours donné leur chance à beaucoup», rappelle Nihal Faraoui.
«Impressions à Nadar» ouvre ainsi le bal d’une série de cinq expositions prévues tout au long de l’année. La dernière sera purement graphique, consacrée aux affiches publicitaires historiques de la galerie, diffusées autrefois dans les librairies et les boulangeries de Casablanca.
«Nous essaierons de poursuivre la politique de notre mère, en valorisant le travail de jeunes artistes et en lançant de nouveaux talents, tout comme ceux présents dans cette exposition», affirme de son côté Zineb Faraoui.
Visible jusqu’au 21 mai 2025, «Impressions à Nadar» est plus qu’une simple rétrospective: c’est une déclaration d’amour à l’histoire de l’art marocain, portée par trois générations de femmes convaincues qu’il n’y a pas d’avenir sans mémoire.







