Au delà du vent de polémique qui souffle sur ses œuvres, situées aux confins du symbolisme et d'un réalisme saisissant, Mounir Fatmi, l'un des plus grands artistes plasticiens marocains, est un créateur d’espaces et de jeux de langage. Son inspiration: les lieux insolites. Son aspiration: l'immense échiquier d’événements clés.
Cet artiste Franco-marocain, né à Tanger en 1970, aime jouer avec les matières et les formes pour mettre en lumière un univers esthétique, percutant, plein d’esprit. Ses œuvres, provocantes pour certains, innocentes pour d’autres, jettent un regard qui réfute les dogmes et les conventions sur le monde, ses lois, ses interdits, ses abstractions et ses défis. Ses vidéos, installations, peintures ou sculptures mettent en scène nos ambiguïtés, nos doutes, nos craintes, nos fantasmes. Une iconographie évocatrice se crée autour d’agrégats technologiques: photocopieuses, néons, câbles d'antennes, cassettes VHS... Tout s’applique à son art qui évoque les errements existentiels.
Tantôt frondeur, tantôt philosophe, l’artiste est désormais habitué à voir son art relégué loin des regards, mais refuse d'être considéré comme un provocateur. Mounir Fatmi a été interdit d'exposition à plusieurs reprises, en France comme dans les pays arabes. Pour lui, la censure est une amputation : «C’est comme si je me coupais la langue». Mais au lieu de l'assagir, cette censure va lui donner des ailes et renforcer ses convictions et ses provocations. Il ira ainsi à la rencontre de Salman Rushdie en 2012 à qui il rendra hommage dans une vidéo "Sleep Al Naim" lors de l’exposition «C’est la nuit!». Une œuvre inspirée de Sleep, un film de Andy Warhol. Un autre provocateur!
Mêlant langue morte, désacralisation, polémiques et histoires politiques, Mounir Fatmi tisse ses œuvres autour d’images de la vie quotidienne, ébranlant les sensibilités, suscitant tour à tour indignation et moult questionnements sur notre société. De par son expérience accumulée au fil des ans, cet artiste touche-à-tout maîtrise plus d’un genre artistique.
Avec sa dernière exposition «Encore la nuit», Mounir Fatmi investit cette fois-ci la prison de Qara à Meknès du 14 Avril au 14 mai, bravant le brouhaha politico-médiatique et la censure des lieux. Une exposition au noir et blanc éternel menée dans le cadre du projet «Patrimoine et art contemporain, Une autre histoire» initiée par l’institut français du Maroc. Un bel hommage à Sidi Abderrahmane El Majdoub enterré non loin de là.