Ce roman, mis en scène par Nabyl Lahlou en un monologue interprété par Sophia Hadi, revisite avec brio un texte profond et fort, qui soulève plusieurs questionnements sur la complexité de l'être humain et les méandres tortueux de son âme.
Grâce à une mise en scène simple et efficace, Nabyl Lahlou a permis à cette comédienne de captiver l'attention du public, qui devient le témoin de la longue confession de Jean-Baptiste Clamence, un personnage intriguant et obscur.
Deux heures durant, Sophia Hadi réussit le tour de force de faire renaître ce personnage masculin qui se livre à un monologue où il restitue des épisodes de sa vie entre Paris et Amsterdam, de la gloire jusqu'à la déchéance.
Ancien avocat parisien issu de la bourgeoisie française, dont la vie a basculé le jour où une femme se noie dans la Seine sous ses yeux sans qu'il puisse la secourir, Jean-Baptiste Clamence, rongé par la culpabilité, ne cesse de ressasser cet événement tragique qui le mène tout droit vers la chute.
Au début de son monologue, il se définit comme "juge-pénitent" cherchant à se châtier lui-même à travers une confession où il se dévoile sans fards, errant entre son passé et son présent.
Pour faire vivre ce personnage, la comédienne n'a omis aucun détail: costume, cravate, canne...Mais au-delà de l'aspect vestimentaire, c'est son attitude masculine et le changement de sa voix, devenue rauque et grave, qui fascinent tant le public.
Passionnée et audacieuse, Sophia Hadi s'est lancée le défi d’adapter et d’interpréter le chef-d'oeuvre de Camus il y a plus de six ans. Endosser le rôle de Jean-Baptise Clamence sur les planches, lui a nécessité plusieurs mois de travail, affirme-t-elle.
"J'ai passé plusieurs mois à travailler l'adaptation et ensuite, l'interprétation. Après une première version de 2h30, j'ai dû réduire la durée de la pièce de 50 minutes, ce qui est très difficile parce qu'on a envie de tout garder tellement le texte de Camus est fort et puissant", explique-t-elle dans une déclaration à la MAP.
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Son secret pour jouer avec tant de maîtrise ce rôle et réussir à transmettre son essence au public? Sophia Hadi, qui a campé plusieurs personnages masculins tout au long de sa carrière, assure qu'au bout d'un moment, elle fait abstraction du genre et se concentre uniquement sur le rôle.
Une stratégie payante comme en atteste son interprétation brillante et lumineuse d'un personnage ténébreux et cynique.
Malgré la gestuelle, la posture et le costume masculins, elle n'hésite pas d'ailleurs à apporter au texte une touche de féminité, de sensibilité et même d'"une autre humanité".
"Au fil des représentations (près de 40 au total) depuis 2013, on nuance plus, on a une plus grande maîtrise du personnage dont on arrive à s'en emparer jusqu'à s'en détacher. C'est là que toutes les subtilités apparaissent", affirme-t-elle.
Magistrale de bout en bout aussi bien en termes d’interprétation, de gestuelle que de diction, elle a conféré une grande force au texte de Camus, faisant ressortir la beauté des verbes et la résonance des mots.
"Une grande comédienne, très simple et discrète", ce sont les termes avec lesquels Nabyl Lahlou qualifie cette virtuose des planches.
Après un franc succès au Maroc, la Chute, donnée en représentation à Bruxelles grâce au soutien du ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration, a conquis l’assistance qui a salué par une standing ovation la performance remarquable de Sophia Hadi et la mise en scène tout en justesse de Nabyl Lahlou.