J’avais plusieurs titres pour cette chronique. Le premier qui m’était venu à l’esprit est celui-ci: «The day after». Je ne l’ai pas utilisé car il est trop direct et ramène tout de suite au lendemain de l’Aïd, un jour où la grande majorité des Marocains musulmans, pratiquants ou pas, se réveille avec une gueule de bois alors que personne n’a bu quoi que ce soit.
Voici le second titre auquel j’ai pensé et auquel j’ai aussitôt renoncé: «Les moutons ne sont plus ce que vous croyez». Je dois vous avouer que moi-même je l’ai trouvé trop hard et prête à tellement d’interprétations…
Et, enfin, le 3ème titre auquel vous avez échappé et que je regrette quand même un peu: «Le silence des agneaux». Même si, je le reconnais moi-même en toute humilité, il est bien inspiré, j’ai décidé de ne pas l’utiliser de peur que certains pensent que je vais parler de cinéma à un moment où je suis obligé, mais juste pour quelques semaines encore, de respecter mon devoir de réserve. Les intéressé(e)s et concerné(e)s ont compris de quoi il s’agit. Vous savez, j’en ai tellement gros sur le cœur que dès que je serai à même de le faire, je vais tout déballer. Si vous croyez que je vais me gêner…
Bref, à la fin, j’ai fini par opter pour le titre choisi plus haut parce que je pense que c’est celui qui exprime le mieux la situation anachronique – j’ai failli écrire «apocalyptique» - que nous avons vécu ces derniers jours et que nous avons de fortes malchances de connaître encore dans les jours à venir. Bien entendu, il y a plusieurs raisons objectives à cet état de choses, à commencer par « l’Aïd lakbir » ou grande fête appelée ainsi probablement à cause des grandes dépenses qu’elle engendre.
L’apocalypse que j’ai insinuée sans toutefois le dire directement, concerne à la fois le désastre financier que cet événement ne manque jamais de causer tous les ans surtout aux petites bourses, que les aspects guerriers qu’il expose publiquement à chaque fois. Des couteaux par-ci, des coutelas par là, du sang par-ci, des larmes par-là, des tripes par-ci, des têtes par-là, bref – excusez le jeu de mots tout-à-fait inapproprié - une vraie boucherie !
Loin de moi l’idée de dénigrer un rite qui fait partie de nos us et coutumes depuis des siècles, même si, depuis déjà un certain temps, beaucoup de nos concitoyens, que je pourrais appeler par opposition et par esprit de contradiction «les grandes bourses», l’ignorent royalement et s’en vont gaiement chaque année à pareille occasion se dorer la pilule loin de cette tradition que d’aucuns parmi eux qualifient sans vergogne de « pratique d’un autre âge ».
Quand je dis «loin», ça peut être à Marrakech, Tanger, Agadir ou autres Marina Smir, mais aussi parfois encore plus loin, comme par exemple, à Lisbonne, Marbella, voire Genève ou Frankfort.
Je connais même un couple d’amis qui est parti jusqu’à Honolulu sous prétexte que l’épouse aurait vécu un traumatisme en ayant assisté à l’exécution, pardon, au sacrifice du mouton alors qu’elle était encore enfant. N’importe quoi! D’ailleurs, tous les ans c’est pareil. Depuis qu’ils se sont mariés, ils ont fait pratiquement le tour du monde.
Au fait, de quoi je parlais? Je crois que je me suis un peu égaré. Attendez, je vais me relire et je reviens. Ça y est, j’ai retrouvé : l’apocalypse, mot que je ne voulais pas utiliser mais que j’ai fini par le faire car il y a bien de quoi.
Donc, en parallèle avec la fête du mouton qui ne fait que commencer et qui ne prendra fin que quand les gens jusque-là affamés n’auront plus faim, nous avons deux autres évènements dont j’ai dû vous parler vaguement dernièrement: la rentrée scolaire qui, depuis quelques années arrive pratiquement en même temps que le mouton, et les élections qui, elles, même si elles ne sont là que périodiquement, s’arrangent souvent pour tomber… au mauvais moment.
Résultat: les marocains et les marocaines vont bientôt voter, du moins ceux et celles qui ont l’intention de le faire, pour élire nos prochains représentants desquels eux-mêmes seront choisis nos futurs gouvernants, et pourtant, tous et toutes font comme si de rien n’était, et vont voter comme si de rien ne sera. Et dire que c’est dans moins d’un mois…
«Qu’est-ce que tout ça va changer?» me souffle ma femme qui n’arrête pas de lire par-dessus mon épaule tout ce que j’écris. Oui, tu as raison, chérie. Rien. Ou si peu.
Quand je vois tous ces politiques qui jouent au saute-moutons et qui volent de parti vers un autre sans se soucier ni du pilote ni des passagers, et que personne ne dit presque jamais rien, j’aurais dû donner à cette chronique le titre horrible mais si vrai: «ce sont nous les moutons».
J’espère que l’avenir sera bien meilleur que ce que je prévois et que, comme d’habitude, je ne fais que raconter n’importe quoi.
En tout cas, je vais vous dire encore une fois vivement un vrai changement et vivement mardi prochain.
