Ces dernières semaines, le droit des victimes s’impose au Maroc sur la scène juridique, médiatique et politique, et on aime à y avoir le signal fort d’une justice équitable et en bonne santé.
L’affaire de la vidéo filmée à Marrakech dans laquelle des acteurs et un influenceur français se permettent d’insulter les femmes marocaines et d’humilier des enfants, au prétexte de parodie et d’humour, s’est soldée par un jugement juste… n’en déplaise à ceux qui estiment que cette peine, respectivement d’un an et de huit mois de réclusion ferme à leur encontre, est disproportionnée, ou encore que la justice marocaine s’emballe dès lors que les réseaux sociaux s’enflamment.
Non, on ne peut pas rire de tout, de tout le monde, sous couvert de liberté d’expression. Il y a des limites à ne pas franchir, et le message est maintenant passé: le Maroc n’est pas un paillasson sur lequel on s'essuie les pieds après s’être vu dérouler le tapis rouge. Passons sur les insultes à l’égard des femmes marocaines, taxées de prostituées par des hommes sans éducation… Nous sommes assez grandes pour savoir nous défendre devant ce genre d’énergumènes qui préfèrent s’adresser à une caméra. Au moins une caméra, ça ne répond pas. Mais humilier de la sorte nos enfants, déjà suffisamment fragilisés par la pauvreté qui les expose à un certain tourisme sexuel, ça, c’est inadmissible. Alors, bravo à la justice marocaine d’avoir sévi en ne tenant pas compte de la carte de la célébrité des accusés et merci à elle d’agir de la sorte à l’avenir en fermant la porte aux passe-droits et en rappelant que le Maroc est un Etat souverain.
Le droit de victime reconnu à ses enfants par la justice marocaine, c’est aussi celui que se bat pour se voir reconnaître par l’opinion publique nationale et internationale, Hafsa Boutahar, victime présumée d’un viol commis par Omar Radi. Dans cette affaire aussi, la justice marocaine a agi de façon équitable et juste, ce qui n’est pas toujours le cas dans les affaires de viol, convenons-en. Pourtant, du fait de la casquette de journaliste et défenseur des droits humains portée par le présumé agresseur, un certain pan de l’opinion publique refuse à la victime présumée d’être reconnue en tant que telle. Au mieux, balayée d’un revers de main et ignorée par les soutiens du journaliste parmi lesquels des associations droits-de-l’hommistes, au pire, taxée d’intrigante et de menteuse à la solde du Makhzen, la jeune femme n’en démord pourtant pas.
Mais se demande-t-on seulement ce que cette femme a à y gagner? Quel est l’intérêt qu’elle pourrait bien tirer à endosser à vie la casquette de victime de viol, en vivant de surcroît au Maroc? Où êtes-vous donc les féministes de la première heure pour témoigner de la difficulté de survivre après un viol, de surcroît dans une société qui vous ferme les portes, dès lors que vous avez été souillée? Où êtes-vous donc les meetooistes promptes à dézinguer Polanski et ceux de son espèce en nous expliquant qu’il ne faut pas dissocier l’artiste de l’homme? A croire que les violeurs ne sont que des hommes méchants, qui n’ont ni entourage, ni familles, ni amis… Naïveté ou impunité?
Enfin, dernier cas en date du droit des victimes confronté à une impunité criante, celle de l’admission de Brahim Ghali, chef du Polisario, dans un établissement hospitalier en Espagne, sous une fausse identité, au mépris des nombreuses plaintes déposées contre lui par ses ô combien nombreuses victimes marocaines mais aussi espagnoles. On parle tout de même d’un homme accusé de génocide, crime contre l’humanité, terrorisme, détention arbitraire, torture, assassinats, viols, qui fait l’objet d’un mandat de recherche et d’arrêt pour les attentats qu’il a commis et qui est pourtant soigné, en tout impunité en Espagne, «pour des raisons humanitaires». De qui se moque-t-on?
Bien que ces trois affaires ne soient pas liées, elles se rejoignent pourtant à certains égards. Toutes trois sont particulièrement médiatisées à l’international, toutes trois font l’objet de pressions visant à la libération ou au blanchiment des accusés, afin de servir ou préserver des intérêts politiques et diplomatiques et ce, aux dépends des victimes avérées ou présumées. Alors pour peu que l’on comprenne et que l’on reconnaisse le droit des victimes dans au moins l’une de ces affaires, pour peu que l’on s’offusque de l’impunité derrière laquelle certains se cachent, il serait de bon ton de ne pas défendre un droit des victimes à géométrie variable, et ce, d’autant plus quand des enquêtes sont encore en cours.