L’automne dernier la justice tunisienne a condamné lourdement cinq personnes pour homosexualité. Suite à plusieurs agressions contre des personnes, une pétition a été lancée au Maroc pour dépénaliser cette pratique sexuelle. Elle a été adressée au ministre de la justice. Il ne faut pas se faire des illusions, mais avant de condamner, n’est-il pas honnête de s’interroger sur l’homosexualité, décrite par la loi comme une «pratique contre-nature».
L’agression fin mars dernier d’un couple d’homosexuels à Beni Mellal est grave. Non seulement les agresseurs n’ont pas été punis –l’un d’eux a été condamné à seulement un mois de prison–, mais c’est l’agressé qui a été condamné à 4 mois de prison ferme en application de l’article 489 du code pénal. La légitime défense n’a pas été retenue.
Laissons de côté la morale, la religion et les conventions sociales. Faisons un constat:D’abord l’homosexualité existe depuis l’aube de l’humanité. Ensuite, aucune société sur la planète n’est purement et uniquement hétérosexuelle.
L’homosexualité n’est pas une maladie, encore moins un crime ; c’est un état de fait objectif. Des personnes naissent et grandissent avec un seul désir sexuel, celui du même sexe. Face à l’autre sexe, elles n’ont aucune réaction, aucune émotion. Ces hommes et femmes sont nés avec cette particularité. Jean Genet disait: «Je suis homosexuel comme j’ai les yeux bleus». Alors que faire? Les condamner, les exclure, les exterminer comme avait fait Hitler ? Ou bien admettre leur différence et accepter que si nous nous ressemblons en tant qu’êtres humains, nous sommes aussi tous différents les uns des autres. Chaque être est unique et singulier. Il n’existe pas de par le monde deux êtres identiques. C’est ce que j’apprends aux enfants que je visite dans les écoles. Je leur répète combien la richesse humaine est dans la diversité et que le racisme est ce qui nie cette diversité pour en faire des inégalités: la nature a créé des différences, l’homme en a fait des hiérarchies subjectives, des inégalités. Ceci est valable aussi bien pour la couleur de la peau que pour la tendance sexuelle.
Il n’y a rien de plus naturel et légitime que de vivre sa sexualité en paix sans être montré du doigt, suspecté de je ne sais quelle perversité ou anormalité. Mais la société a ses pesanteurs, ses préjugés et ses conventions couvertes souvent d’hypocrisie.
Deux adultes consentants ont le droit de faire ce qu’ils désirent de leurs corps. En quoi cela dérangerait-il les autres? Il faut cultiver l’indifférence quand il s’agit de différence.
Au Maroc, le sujet est de moins en moins tabou. L’homosexualité est condamnée. Souvent on ferme les yeux et on fait semblant que cela ne nous regarde pas. L’écrivain Abdallah Taïa a été assez courageux pour parler publiquement de son homosexualité. Il savait que cela allait déranger, bousculer les habitudes. Il en a parlé et aussi l’a écrit dans des livres. Mais il ne devrait pas être le seul. C’est en ce sens qu’il faudra admettre que les différences ne sont pas des anormalités et qu’il faut soutenir la campagne pour abroger l’article 489.
Faut-il préciser que l’homosexualité n’a rien à voir avec la pédophilie qui est un délit, un crime, puni par la loi. Dernièrement un hebdo marocain a consacré sa couverture à ce problème en titrant «Le Maroc, paradis pour les pédophiles». Des associations de protection de l’enfance veillent et s’activent. Mais que dire de ce qui se passe loin des villes, dans les campagnes où la promiscuité favorise l’abus sexuel des enfants et parfois l’inceste.
L’article 17-19 des Nations Unies reconnaît le droit des personnes homosexuelles à vivre leur sexualité. L’Afrique du Sud a lancé le projet d’une «dépénalisation de l’homosexualité dans le monde». Pas mal d’Etats refusent catégoriquement ce projet et maintiennent plus que jamais les lois dures contre les homosexuels qui peuvent aller jusqu’à la peine capitale. Heureusement le Maroc n’en fait pas partie, mais il considère cette pratique comme un délit puni de prison. Si l’Etat laisse se développer dans le pays une haine de l’homosexualité se traduisant par des agressions violentes, s’il ne protège pas des citoyens persécutés par des gens qui ont certainement des problèmes avec leur sexualité, c’est l’Etat de droit en construction qui se trouve empêché et saboté. Ce n’est pas en fermant les yeux qu’on fera disparaître un problème.