Il y a quelques jours, j'ai fêté mon anniversaire. D'accord, ce n'était pas un événement d'importance planétaire et on n'a pas tiré en mon honneur des feux d'artifice à Pékin ou à Lima, mais il s'est tout de même passé quelque chose d'étrange dont je voudrais vous faire juge, amie lectrice, ami lecteur.
Au réveil, je me précipite sur mon ordinateur, le cœur battant. Qui m'aura envoyé le premier message me souhaitant un bon anniversaire? Qui, parmi la famille, les amis, les connaissances, y aura le premier pensé? Untel? Unetelle?
Funérailles! La palme revint à l'Association des anciens élèves de l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées. Le message est parti à minuit passé d'une minute. Comme ça m'étonnerait que quelqu'un soit encore au bureau à cette heure tardive, il faut en conclure que c'est un programme d'ordinateur, un robot en quelque sorte, qui a déclenché l'envoi du chaleureux message.
Un programme informatique m'a envoyé ses vœux.
On en est là.
Ce sont peut-être les signes de l’Heure.
Je me suis consolé en me disant que le prochain mail proviendrait d'un être humain. Tu parles! Comme je suis titulaire de la carte “voyageur fréquent“ du train Thalys qui assure la ligne Amsterdam-Paris, c'est donc “Thalys“ (quel joli nom, dommage qu'il soit celui d'une compagnie ferroviaire), c'est donc elle, cette gueuse d'acier, qui m'a envoyé des bisous.
Un train m'a souhaité bon anniversaire.
On en est là.
Et ledit train m'a immédiatement proposé de m'emmener fêter mon anniversaire, avec une remise de 30% sur le tarif habituel, à Bruxelles, Cologne ou Lille, trois villes où je ne connais personne. Suis-je censé souffler mes bougies avec le chef de gare?
Les signes de l’Heure, vous dis-je. On entend galoper les quatre cavaliers de l’Apocalypse, on entend hennir leurs montures.
J'ai raconté mes mésaventures au téléphone à une amie. Elle m'a répondu qu'elle avait le même problème, en pire. Elle ne sait comment son adresse et sa date de naissance sont tombées entre les mains des as du marketing, mais le fait est qu'elle reçoit, une fois par an, une foultitude de “bon anniversaire“ matinaux assortis d'offres d'achat en discount de parfums, lingerie et escarpins dont l'usage n'est pas évident quand, comme elle, on mène une vie simple et rustique.
N’en doutons pas, amis: le jour viendra où quelques lignes de programme informatique souhaiteront bon anniversaire à d'autres lignes de programme informatique, qui répondront chaleureusement. Ce sera l’apothéose. L’homme, cette “passion inutile” selon Sartre, sera devenu superflu, dépassé, à mettre au rebut.
Certains se demandent quand les robots prendront le pouvoir. La réponse est simple: ils l'ont déjà pris, mais nous ne nous en sommes pas encore rendu compte.
Réagissons avant qu’il ne soit trop tard!
Voici une proposition concrète: dorénavant, souhaitons-nous (je veux dire, nous les humains) souhaitons-nous nos anniversaires la veille du jour fatidique. Ainsi nous aurons toujours un jour d’avance sur les robots.
La résistance s’organise. Ils ne passeront pas!