Que voyez-vous dans le regard de cette jeune femme? Hein, dites-moi, que voyez-vous? De l’étonnement? Certes. De l’effroi? N’exagérons rien. De la répulsion? Y a d’ça. Du dégoût? Peut-être. De l’horreur? Hé, hé…
- C’est qui, cette bergère? me demandez-vous.
J’ai pris cette photo il y a quelques jours en gare de Duisburg, en Allemagne. J’y attendais le train pour Amsterdam, assis sur un banc, un café à la main, examinant avec attention «celui qui va et celui qui vient», en bon Marocain que je suis. A un certain moment, une bande sympathique de jeunes filles passa comme une petite tornade dans le hall de la gare. Je ne sais pas qui étaient ces joyeuses luronnes mais outre le fait qu’elles chantaient à tue-tête, dansaient et virevoltaient, elles étaient étonnamment court vêtues. Je dis «étonnamment» non pas pour des raisons de moralité publique mais parce qu’il faisait plutôt frisquet ce matin-là. Mais bon. Donc, mini-jupes ou jeans ajourés (pleins de trous, quoi), teeshirts largement échancrés, ces friponnes n’avaient pas froid aux yeux, à défaut d’avoir chaud ailleurs.
J’ai toujours mon appareil photo dans mon cartable. Je le sors pour immortaliser la bande de fofolles teutonnes et puis, au dernier moment, sur une sorte d’intuition, je le tourne sur la gauche et c’est cette jeune femme que je clicclaque. Pourquoi? Quelques minutes plus tôt, avant de changer de banc, j’étais encore assis à côté d’elle, de sa mère et de son petit frère (à droite sur le cliché). J’avais écouté leur conversation: c’était des réfugiés syriens qui venaient d’arriver en Allemagne. Que pouvait-elle bien penser de cette exubérance féminine sans gêne ni complexe? Eh bien, vous avez la réponse sous les yeux. À vous de conclure.
J’aimerais tant la retrouver, cette jeune fille, dans dix ans... Aura-t-elle la même apparence qu’aujourd’hui ou sera-t-elle devenue une gaie paillarde comme mes Allemandes de Duisburg? Peu importe, au fond. Chacun fait ce qui lui plaît. La seule chose que je souhaite, c’est qu’elle ait appris à ne plus regarder les autres avec horreur mais avec tolérance. Et avec le sourire, si possible.
PS: la direction décline toute responsabilité au cas où ce billet aurait des suites juridiques liées au droit à l’image.