Pour un Palais de la Science à Casa (ou Taza)

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ChroniqueCe n’est qu’à ce prix que nous produirons de nouveau des Biruni, Ibn Sina ou Ibn al-Haytham…

Le 17/07/2019 à 10h59

Samedi dernier, 13 Juillet. La journée est chaude et lourde à Paris. Heureusement, le Palais de la Découverte est climatisé. Le hall majestueux annonce que nous sommes dans un temple: le temple du Savoir. Avec le ticket d’entrée, on me donne la liste des expositions et le programme des conférences de la journée. Il y en a une bonne dizaine. Que choisir?

A 14.00, dans la célèbre salle ‘pi’, une conférence est donnée par un étudiant en jean, tee-shirt et sandales. Nous sommes une trentaine dans la salle: des familles avec des enfants, des étudiants, un ou deux touristes. Le conférencier sort quelques cubes d’un tiroir, les manipule comme un prestidigitateur, nous pose des questions… Au bout d’un quart d’heure, même ceux qui se croyaient nuls en maths ont compris pourquoi les nombres premiers ont de tout temps fasciné les hommes. Puis il sort une cordelette de sa poche et commence à faire des nœuds. Tout le monde se prête au jeu. Est-il possible que certains nœuds soient plus importants, plus fondamentaux que les autres, qu’ils soient en quelque sorte “les nombres premiers de l’univers des nœuds“? Nous sommes fascinés. Les enfants ont littéralement la bouche ouverte. Une petite vidéo complète la démonstration. Pour les plus avancés, le conférencier fait le lien entre ce qu’il vient de montrer et le fameux théorème de Godel. (Aucun système d’axiomes ne peut être l'équivalent des nombres premiers pour l’univers de propositions qu’il crée.) Du grand art.

Avant de partir, je prends une photo de la salle– voir ci-dessous. Dans la liste des plus grands mathématiciens de l’Histoire, les premiers (Aboul Ouafa, Battani, Biruni…) sont arabes ou perses. C'était il y a mille ans. Que nous est-il arrivé?

Le temps de visiter une petite exposition sur les recouvrements mathématiques (on y apprend que les zelliges de l’Alhambra les illustrent tous…), c’est l’heure d’une conférence de chimie. Une sorte de professeur Tournesol montre comment fonctionne une pile à hydrogène. Puis il nous lit un passage de L'île mystérieuse: Jules Verne y affirmait, il y a plus d’un siècle, que l'électrolyse de l’eau prendrait le relais quand les réserves de charbon seront épuisées. A toutes les questions que pose Tournesol pendant son exposé, une petite fille, à côté de moi essaie courageusement de répondre. Quelle est la source d'énergie la plus utilisée? Les voitures électriques sont-elles vraiment écologiques? Les réponses de la gamine sont le plus souvent erronées mais personne ne se moque d’elle et le conférencier l'amène doucement et gentiment à la bonne réponse. En voilà une de gagnée pour la science…

Dans une autre salle, le thème est celui des venins et des poisons– bonjour, les Borgia! Les enfants contemplent, fascinés, les tarentules. Tout à l’heure, ils riront avec leurs parents dans la salle des illusions d’optique. Incroyable mais vrai: on peut voir des couleurs qui n’existent pas! Eh oui, on ne voit pas avec les yeux mais avec le cerveau. Un de ces enfants deviendra peut-être un grand neuroscientifique, un prix Nobel…

Après une demi-journée pendant laquelle je ne me suis pas ennuyé une seconde, je sors dans la touffeur de la soirée. Et je me fais la réflexion suivante: jeunes et moins jeunes, en fréquentant cet endroit extraordinaire, intériorisent l'idée fondamentale de l’autonomie de la science, qui ne se soumet à aucune autorité. Il n’y a dans ces murs que l'expérimentation et l’usage de la raison. Nous ne sortirons de notre sous-développement mental que le jour où nous aurons, nous aussi, intériorisé cette idée. D'où une proposition concrète: pourquoi ne pas créer un Palais de la Découverte, chez nous, pour promouvoir la science, la vraie– et l'idée de son autonomie?

Il s’est construit combien de malls à Casablanca au cours des dernières années? Trois, quatre, cinq? Un seul de ces espaces aurait pu abriter notre Palais de la Découverte… Qu’attendons-nous? Ce n’est qu'à ce prix que nous produirons de nouveau des Biruni, Ibn Sina ou Ibn al-Haytham…

© Copyright : Fouad Laroui

Par Fouad Laroui
Le 17/07/2019 à 10h59