Notre plus belle équipe

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ChroniqueLa bella figura, comme disent les Italiens, c’est à notre portée. Mais pourquoi s'arrêter là? Pourquoi ne pas viser plus haut?

Le 27/12/2017 à 12h47

Soyons réalistes: cette Coupe du Monde, nous n’allons pas la gagner. Il nous faut donc viser un autre objectif en Russie, cet été. Lequel? D’abord, faire bonne figure. Mais ça, ce ne devrait pas être trop difficile. Nous avons des joueurs élégants (Ziyech) et de belle prestance (Benatia, Achraf…), nous en avons qui réjouissent l’œil par leur maîtrise du ballon (Boussoufa) ou leur pugnacité (Amrabat). Nous avons même un attaquant, Khalid Boutaïb, qui a eu 20/20 à l'épreuve de mathématiques du baccalauréat, ce qui en fait le footeux le plus intelligent de la planète. Donc, la bella figura, comme disent les Italiens, c’est à notre portée.

Mais pourquoi s'arrêter là? Pourquoi ne pas viser plus haut?

Déjà, les journalistes ont remarqué que la sélection marocaine est la plus internationale de toutes. La moitié des sélectionnés ont une autre nationalité en sus de celle de leurs parents. Les deux tiers de l’équipe-type sont nés ailleurs que sur les rives du Sebou ou dans l’Atlas. Dans ses vestiaires, on entend couramment parler cinq ou six langues. Ce n’est pas d’un entraîneur dont ils ont besoin, ces gaillards, c’est d’un interprète polyglotte.

Eh bien, utilisons cette caractéristique qui rend cette équipe unique pour la transformer en grand récit national à l’usage des tifosi du monde entier.

Oui, faisons de la diplomatie parallèle avec notre mountakhab! Au lieu de ne sélectionner que ceux qui sont en forme, adjoignons à Hervé Renard un idéologue (je soumets humblement ma candidature) qui retiendra quelques Lions en fonction de leur prénom, de leur nom ou de leur origine ethnique.

Par exemple, il me semble nécessaire de rappeler le bien-nommé Chrétien Basser. Certes, il va sur ses trente-quatre ans, mais imaginez l’impact de son nom sur les foules catholiques d’Amérique latine. Voilà plusieurs millions de pèlerins acquis à notre cause et qui se transformeront en touristes avides d’aller fouler le sol d’un pays où un “Chrétien’’est accueilli sans la moindre restriction dans la sélection nationale.

Pour la même raison, j’imposerais Manuel Marouan da Costa Trindade Senoussi. Nous aurions avec nous les Portugais (dommage qu’on jouera un match contre eux), le Brésil par conséquent, et derechef tous les catholiques et même le pape puisque le talentueux Manuel porte la sainte trinité dans son nom.

Hamza Mendyl, à la fois Marocain et Ivoirien, ne doit pas manquer à notre congrégation… pardon, à notre équipe. Le voilà, le lien avec cette Afrique sub-saharienne qu’une diplomatie vigoureuse et inspirée nous a reconquise en 2017!

Les gars, il nous manque un Juif. Mais pas de panique! Près d’un million des citoyens israéliens sont d’origine marocaine. Et comme cette nationalité ne se perd jamais et se transmet d’une génération à l’autre, il suffira de dégoter un David Cohen qui sache taper dans un ballon, de lui donner le beau passeport vert auquel il a droit, et voilà! Nous aurons notre plus belle équipe.

J’entends d’ici les commentateurs sportifs du monde entier hurler: “Chrétien donne le ballon à Mendyl qui centre sur David Cohen qui remet de la tête à Al-Arabi qui feinte et c’est Ziyech qui marque!”

En fait, c’est comme si le préambule de notre Constitution s’était transformé en équipe de foot: “Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen”. Et comme la moitié de l'équipe est rifaine, cela clouera le bec aux crétins qui s’imaginent que nous vivons une guerre civile entre “Arabes’’et “Berbères’’.

Bénie par le pape, par le grand rabbin sépharade, par le mufti d’Al Azhar, par la mémoire d’Abdelkrim al-Khattabi et par notre Conseil des oulemas, ce serait bien le diable si cette équipe, la plus belle de toutes du point de vue de la diversité, ne faisait pas un beau parcours dans quelques mois, en Russie…

Par Fouad Laroui
Le 27/12/2017 à 12h47