J'ai appris avec stupeur, disons même avec indignation, qu'il existait un musée du Petit Prince au Japon. Au lointain Japon! C'est un scandale de proportions quasi bibliques, c'est le cas de le dire puisque le chef d'œuvre de Saint-Exupéry est le livre le plus traduit au monde après la Bible.
– Pourquoi tu t'énerves?, me demandez-vous. On t'a connu plus placide.
Je m'énerve, amie lectrice, ami lecteur, je m'énerve parce qu'après le plésiosaure et le couscous, c'est le troisième trésor national qu'on nous dérobe. Et nous regardons faire, trop grands seigneurs pour réagir, ou trop paresseux ou pas au courant.
Soyons clairs. S'il y a un endroit où il serait légitime d'ériger un musée du Petit Prince, c'est à Tarfaya, dans le sud du Maroc, et nulle part ailleurs.
Je donne d'ailleurs cette idée gratuitement aux autorités locales, au ministre du Tourisme et à la Fondation des musées.
C'est à Tarfaya que Saint-Exupéry, qui y faisait régulièrement une escale lors de ses vols pour l'Aéropostale, imagina son fameux conte philosophique. La fameuse rose orgueilleuse qui figure dans l'histoire, il l'inventa après avoir ramassé une rose des sables dans le désert marocain. Le renard que le Petit Prince apprivoisa, c'était un fennec qu'il rencontra entre Tarfaya et Sidi-Ifni. L'allumeur de réverbères était sans doute un allumeur de vrais Berbères. Et le fameux «On ne voit bien qu'avec le cœur» qui est l'une des phrases les plus remarquables du livre, eh bien, c'est un classique du soufisme et Saint-Ex a dû l'entendre en déambulant dans les rues de Tarfaya. Qu'attendons-nous pour poser la première pierre du musée du Petit Prince?
Ce serait tout bénéfice pour la ville et pour la région. Et si un jour Airbus était tenté par la délocalisation, les autorités de Tarfaya disposeraient d'un solide dossier – à condition de baptiser l'aéroport local Saint-Exupéry, bien sûr. Il est un peu des nôtres, ce sympathique aviateur…