Sans doute est-il dur d’être Marocain quand on habite dans un quartier défavorisé de Casablanca ou de Tanger, que l’avenir s’annonce couvert de nuages et que le seul espoir réside dans cette image d’un bateau ou d’un camion qui vous emmène au loin, vers l’Eldorado européen.
Certes. Mais vu dudit Eldorado, qui est beaucoup moins doré qu’on ne le croit, être Marocain, en ce moment, ce n’est vraiment pas une sinécure. Ces jours-ci, j’ose à peine me présenter comme un sujet chérifien dans les dîners en ville ou les rencontres fortuites à la terrasse d’un café. Et pour cause ! Les terroristes qui ont semé la mort dans les rues de Paris le 13 novembre dernier étaient, à une ou deux exceptions près, d’origine marocaine. Les voyous qui ont agressé des centaines de jeunes femmes aux abords de la gare de Cologne la nuit du jour de l’An étaient en majorité de jeunes Marocains. On arrête un pickpocket à Amsterdam, un braqueur à Marseille, un trafiquant de drogue à Oslo, une fois sur deux, c’est un compatriote.
Je sais bien que chacun est responsable de ses actes et pas de ceux des pignoufs qui sont nés, par hasard, dans le même pays ; je sais bien que la notion de ‘responsabilité collective’ est absurde et dangereuse ; il n’empêche : je ne peux pas m’empêcher d’éprouver un sentiment fugace de honte quand on arrête quelque part une crapule et que cette crapule se prénomme Bouazza. C’est un peu de moi qu’on cloue au pilori.
Alors, que faut-il faire ? Faut-il rendre impossible l’obtention d’un passeport, comme c’était le cas dans les années 70 ? À l’époque, obtenir un passeport au Maroc était un exploit. Il fallait fournir des dizaines de documents, dont l’inénarrable ‘certificat de bonnes vie et mœurs’ sur lequel le moqaddem du quartier exerçait une sorte de droit de véto. Chaque document devait être fourni en trente-six exemplaires. Et quand, par miracle, on avait réuni tous les documents et qu’on s’était rué, la barbe au vent, les babouches à la main, à la mouqata’a pour les déposer sur le bureau du responsable – supposant qu’il soit là, ce qui était rare – eh bien, entretemps, l’une des pièces n’était plus valide et il fallait tout recommencer. Demander à vos anciens, ils vous le confirmeront. Il était plus difficile d’obtenir un passeport que de gravir le Toubkal à genoux.
Et puis, on ne sait pourquoi, l’État a complètement changé d’attitude dans les années 90. Du jour au lendemain, il est devenu plus facile d’obtenir un passeport que de voler sa sucette à un bébé. Pourquoi, grands dieux? On en voit le résultat: ces Marocains qui nous font honte un peu partout en massacrant des innocents ou en violant des Allemandes.
C’est pourquoi je lance un appel au ministre de l’Intérieur: par pitié, Excellence, pour que nous ayons moins honte des turpitudes de nos compatriotes, rétablissez la quasi-impossibilité du passeport qui était notre lot commun dans les années 70. Et surtout, rétablissez le certificat de bonnes vie et mœurs qui empêchera ces malotrus de venir ruiner notre réputation en Europe….