Aéroport d’Orly, terminal 4, mardi 26 octobre. À l’enregistrement du vol AT 765 Paris-Casablanca, je présente mon passeport, mon pass vaccinal avec son QR code ainsi que mon PCR datant de la veille. Vous me dites:
– Tout va bien, donc. Tout baigne. Bon vol!
Naïfs… Vous n’avez pas tenu compte du p’tit chef.
La jeune femme du guichet 44, une employée courtoise et souriante, a un léger doute. Il y a un mot qu’elle ne comprend pas dans mon PCR. Je lui explique qu’il a été fait la veille à Amsterdam, d’où cette petite mention en néerlandais. Le reste est parfaitement clair: mon nom, la date, le résultat négatif, etc. Le QR-code est là, irréprochable, irréfragable– on peut continuer longtemps avec les adjectifs.
Derrière les guichets d’embarquement se promène un petit homme, les bras dans le dos, l’air important. Il ne fait rien, c’est donc le chef. La jeune femme se tourne vers lui:
– Monsieur a un PCR néerlandais, c’est bon?
La réponse claque, dure comme un diamant, immédiate, péremptoire, méchante:
– Non!
Ou plutôt:
– Nnnon!
Ou plutôt:
– Nnnah!
L’homme a mis dans sa réponse toute sa réserve de ’n’.
Il est à trois mètres de moi. Je lui demande alors, poliment mais d’une voix forte et claire:
– Pourriez-vous m’expliquer, monsieur, pourquoi un test PCR effectué à Amsterdam serait inacceptable pour la RAM? Les Pays-Bas sont un pays développé, ils ont le meilleur système de santé du monde selon l’OMS, ils ont reçu une dizaine de prix Nobel scientifiques au cours des dernières décennies. Ce n’est pas assez pour vous? Dites-moi pourquoi?
Mon speech a attiré l’attention de quelques autres voyageurs. Ce sont plusieurs paires d’yeux qui sont braquées sur le p’tit chef. Une dame demande:
– C’est vrai, ça. En plus, il n’y a pas là-bas de corruption ou de magouilles. Pourquoi refusez-vous le test PCR de monsieur?
Cerné, pressentant l’émeute, l'émotion populaire, le petit chef grommelle en direction de la donzelle:
– C’est bon, c’est bon, donnez-lui sa carte d’embarquement...
Et c’est ainsi que j’ai pu prendre mon vol. Mais je me pose la question: si le p’tit chef avait été dans un bureau, inaccessible, son nnnah! serait resté incontesté et je n’aurais pas pris mon vol, avec toutes sortes de conséquences très désagréables pour moi.
Je suis en faveur d’une politique sanitaire stricte. Mais le problème ce sont les p’tits chefs qui s’en servent pour brimer les gens. D’ailleurs, il en va de même pour bien des mesures votées en haut lieu. En soi, elles peuvent être sensées et conformes à l'intérêt général. Malheureusement elles donnent à ceux qui sont chargés de les appliquer un surcroît de pouvoir dont beaucoup profitent pour enquiquiner au maximum le citoyen.
Heureusement qu’il y a aussi des fonctionnaires humains et compétents. Parce qu’un monde fait uniquement de p’tits chefs, quel cauchemar, brrrr…