En octobre 2019, la plus célèbre des astrologues de langue française (pas besoin de citer son nom, vous voyez de qui je parle) publia un livre intitulé Le grand tournant, qui fut lancé avec force publicité. La diva y révélait au peuple ébaubi ce qui allait se passer dans le monde en 2020.
Accrochez-vous.
Voici comment elle résuma elle-même la chose: «ce livre tente, avec l’éclairage original et précieux des grands cycles planétaires qui reflètent notre devenir collectif et individuel, de livrer ma vision d’astrologue/sociologue, à travers des analyses géopolitiques: thèmes d’Emmanuel Macron, de Donald Trump, des États-Unis et des prochaines élections, de Vladimir Poutine… Quel rôle vont jouer l’islam et l’État islamique? Notre civilisation chrétienne vit-elle ses dernières heures?»
En gros, l'année 2020 aurait dû être celle de l’Etat islamique (qui a disparu entretemps) et de la fin de la civilisation chrétienne (elle se porte très bien, merci). Aucune trace de virus.
Que les voyants ne voient rien, que les médiums sont des charlatans, tout cela est évident à qui dispose d’un cerveau en bon état de marche. La preuve, s’il en fallait encore une, est apportée par Le grand tournant où la fameuse astrologue, toute à son obsession du prétendu clash des civilisations, de la guerre des religions et du péril islamique, n’a pas vu le vrai tournant de 2020: l'espèce humaine toute entière a dû faire face à un péril mortel.
La pandémie a touché le monde entier. Personne n’a échappé à ses effets, ne serait-ce que le port du masque, la fermeture des restaurants, les restrictions de déplacement. Nous sommes tous embarqués, comme dirait Pascal. Juifs, chrétiens, musulmans, bouddhistes, animistes, agnostiques, athées… Le virus ne fait aucune distinction. Il nous fait redécouvrir une vérité essentielle: il n’y a pas de races et au-delà des crédos et des rites, il n’y a qu’une espèce, l’espèce humaine.
Le vaccin de Pfizer-BioNTech a été le premier à être mis sur le marché. BioNTech a été fondée par deux Turcs de culture musulmane, Ugur et Özlem Sahin, avec Christoph Huber, un Allemand de culture catholique. Le patron de Pfizer, Albert Bourla, est un Juif grec dont les parents ont survécu à l’Holocauste. Le vaccin d’Astra-Zeneca est fabriqué en grande partie par des Indiens hindouistes ou musulmans. Le vaccin russe Sputnik a été développé par un centre de recherche dont le patron, Alexandre Gintzburg, est d’origine juive, et un fond d’investissement dont le directeur est de culture chrétienne mais peut-être agnostique ou athée, comme beaucoup de Russes. Bref, toutes les formes de croyance ou d’incroyance sont représentées dans cet effort scientifique sans précédent où l'humanité lutte contre un ennemi commun.
Il y a ce qui nous sépare et il y a ce qui nous lie. Le charlatan ne voit que ce qui nous sépare. Le scientifique voit ce qui nous lie.
Qui est le plus utile à l’humanité?