Vérité d'évidence évidemment, sauf à savoir ce qui est alors fait d’une telle temporalité. Avec le XXIIIe anniversaire de son intronisation, Sa Majesté le Roi Mohammed VI n'évacue certainement pas de profondes interrogations: ce qu'il avait en tête comme Prince héritier; ce qu'il se proposait d'entre-prendre en accédant à la charge suprême ; sur le bilan de son règne depuis plus de deux décennies; et ce qui reste encore à réaliser. Avec ce 30 juillet, bien des éléments de réponse aideront à tracer et à baliser les champs restant à encore à labourer.
Le corpus de ses idées et de ses convictions a conduit à une accumulation particulière, exceptionnelle même: quatre discours annuels traditionnels, plutôt «institutionnel» -Fête du Trône (31 juillet), Révolution du Roi et du Peuple (20 août) ouverture de la session parlementaire d'octobre et le Marche Verte (6 novembre). Il faut y ajouter ceux liés à un agenda diplomatique -réception de chefs d'Etat ou voyages d'Etat à l'étranger. Et puis, près d'une vingtaine de messages soit à des conférences internationales soit à celles se tenant dans le Royaume. Au fil des ans, se précise une doctrine, une vision aussi. Elle relève de sa charge et elle commande pour sa mise en œuvre un cahier de charges pour tous.
La politique est là, sur tous les registres, dans tous les périmètres -il le faut bien. S'exprime une approche, une orientation, une évaluation critique, un cap. Pratiquement toutes les questions sont embrassées: développement, éducation, société, démocratie, Etat de droit, libertés ainsi que tout le spectre de politique étrangère -avec au premier rang la cause du Sahara marocaine- le Maghreb, l'Algérie, l'Afrique, la Palestine, le nouvel ordre international, etc. En poussant plus loin, il faut s'attacher notamment à des «grappes de mots» traduisant un tronc commun de son vocabulaire: «Dieu, l'Islam, le Maroc, la monarchie, la démocratie, les droits de l'Homme, le progrès social, les jeunes, les femmes, l'emploi, la solidarité nationale».
Son règne, Sa Majesté le Roi Mohammed VI le veut social -Prince héritier, tout le monde savait que sa fibre sociale était authentique. En même temps, il a voulu le placer aussi sous le signe de la modernité. Une modernité basée sur le développement économique et la solidarité sociale; une modernité visant la consolidation de l'Etat de droit et des droits humains; mais aussi une modernité prenant en charge les sciences et les technologies, le savoir et la communication. A ses yeux, «le Maroc demeure à l'avant-garde, un pays de dialogue entre les cultures, un exemple d'équilibre entre l'authenticité et la modernité, une société de coexistence dans la dignité, la modération et la tolérance». Il ne livre pas de larges fresques histories d'histoire mais il en prend acte et considère les siècles écoulés comme un acquis ayant donc des racines profondes. Ce legs d'un vieux pays comme le Maroc ne suffit pas pour autant à mettre en œuvre les politiques de reformes qu'il appelle de ses vœux; il lui a ainsi adjoint ses propres acquis qui bardent sa mémoire et qui participent à un titre ou à un autre d'un entrelacs de réminiscences, de références, de lectures et sans doute aussi de secrètes délibérations intérieures.
Sa pensée présente un caractère syncrétique évident: elle embrasse tous les âges du Maroc; elle étreint également toutes les phases de son nationalisme.
Du peuple marocain, il a une conception particulière: non pas seulement une communauté organique mais un être vivant de quelque trente six millions de personnes - des jeunes, des vieux, des femmes, des pauvres, des handicapés. Un lien qui est -et se veut- une relation personnelle avec tout un chacun. Il est sourcilleux quant à l'unité du peuple marocain et il récuse les divisions artificielles ou idéologiques avec leurs clivages inopérants. Il est attaché à la cohésion sociale; il n'ignore pas qu'il se doit de garder la barre et d'œuvrer pour un modèle de développement inclusif intégrant des millions de laissés- pour -compte. Le grand chantier de la protection sociale s'inscrit dans l'édification d'un Etat social assurant la dignité à tous. Pauvreté, marginalisation et exclusion: la stratégie, hier, aujourd'hui et à long terme s'emploie à une mobilisation sur tous ces fronts.
Il est porteur d'espérances placées en lui depuis plus de deux décennies. Il a sillonné les territoires et les campagnes jusqu'aux coins les plus reculés, soutenu des microprojets, lancé des chantiers structurants qui ont bouleversé les infrastructures nationales, suivi et inspecté les projets et les programmes, stimulé les énergies locales et bousculés tant de routines. Une nouvelle méthodologie de gouvernance s'impose. Elle est devenue un marqueur; elle traduit une réappropriation entre ses mains d'une capacité d'impulsion d'une nouvelle dynamique de développement et d'orientation des politiques publiques ; elle s'exprime sur la base d'un discours harnaché pour la mobilisation contre le réel qu'il veut changer parce qu'encore inégalitaire.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI s'investit pleinement dans les miroitements d'une autre société, plus juste, plus démocratique, plus digne pour tout dire. Il y a là du réalisme, assurément, mais aussi de l'imaginaire. La réflexion nationale sur le Nouveau Modèle de Développement (NMD) à l'horizon 2035 participe de cette ardente préoccupation.
Roi du Maroc par statut, il entend également être le Roi des Marocains. Investi avec une lourde charge, il est conscient de la grandeur de l'entreprise à l'ordre du jour. Vaste est la flamme de son ambition pour le Maroc et son peuple.
Une première séquence historique s'achève après vingt trois années de règne. Le Roi s'attelle à réunir les conditions d'une seconde se déclinant sur une quinzaine d'années pour approfondir et élargir le champ des réformes inscrit au chapitre d'un projet de société. Au-dessus des pouvoirs et des partis, il jouit d'un statut institutionnel de garant de l'essentiel national et d'arbitre-chef. Ce qui en fait une autorité supérieure en mesure de représenter non seulement la volonté de vie nationale mais aussi la légitimité de la Nation. C'est que la pérennité et la continuité de l'Etat lui imposent cette responsabilité; elle lui commande également une intervention volontaire et active, et ce à un étage supérieur: celui de l'orientation et de la décision.