Restez dans le halal et il ne vous arrivera rien de mal!

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ChroniqueThéoriquement, donc, nous ne souffrons plus de cancers, d’insuffisances ou d’infections mais de vices, de péchés, de débauche, de consommation d’actes et d’aliments illicites.

Le 03/02/2018 à 17h59

Soumaya Naamane Guessous a levé un gros gibier en dénonçant les propos d’un fqih qui liait, sur les ondes d’une radio marocaine, le cancer de l’utérus à l’infidélité conjugale. Le fqih expliquait, grosso modo, que ce type de cancer était le lot des femmes infidèles. Comment, donc ? Eh bien, toujours d’après le fqih, parce que le sexe de ces femmes était perturbé par le sperme «étranger» d’un homme qui n’est pas son mari.

Au-delà de ses explications «scientifiques» qui ne méritent pas d’être étayées ici, tant elles sont stupides, ce que dit le fqih peut être résumé à ceci:

1- Toute femme atteinte du cancer de l’utérus est infidèle ou débauchée jusqu’à preuve du contraire!

2- Pour éviter ce type de cancer (et probablement d’autres aussi), une femme doit s’en tenir à un seul partenaire, son mari.

Le fqih n’est pas le premier à répéter ces insanités. Beaucoup d’idiots se servent de la religion pour proposer une relecture/correction de notre vie quotidienne. Ils inventent des théories morales ou moralisantes pour tenter de contrôler la vie des individus, réduisant tout à une éternelle dualité entre le halal et le haram.

La maladie devient une sanction morale, une forme de châtiment réservé à l’âme impure. Ce n’est plus une affaire médicale mais une question de bien et mal, de halal et de haram. La culpabilité est au centre de tout. L’individu devient «coupable» de la maladie qu’il porte. C’est le péché et c’est le vice, sous toutes ses formes, qui développent une tumeur, une infirmité, une douleur.

Théoriquement, donc, nous ne souffrons plus de cancers, d’insuffisance cardiaque ou d’infections urinaires mais de vices, de péchés, de débauche, de consommation d’actes et d’aliments illicites.

Restez dans le halal et il ne vous arrivera rien de mal ! C’est un peu cela, au fond, ce que ce fqih illuminé et certainement maladroit a essayé de faire passer à ses chers (et très nombreux) auditeurs-admirateurs. Mais il n’est pas le premier et il ne sera pas le dernier.

Le fqih détourne et réinterprète, à l’aide de la grille halal/haram, certains facteurs de risque liés au cancer de l’utérus. Et cette manière de réfléchir et de voir le monde n’est malheureusement pas isolée. Nous connaissons tous, pour les avoir entendues plusieurs fois, ces théories qui expliquent la maladie par le pêché/haram.

Il y aura toujours quelqu’un pour vous dire que le cancer de l’estomac est lié à la consommation de la viande de porc. Que ceux qui ne pratiquent pas les cinq prières quotidiennes développent une dépression chronique. Que les catastrophes naturelles sanctionnent les communautés qui n’aiment pas dieu et son prophète. Ou que l’homosexualité est une maladie exportée par l’Occident, les sionistes et les mécréants d’une manière générale.

Restez donc dans le droit chemin, celui de la chasteté, de la pureté, de la fidélité, de l’abstinence, et il ne vous arrivera rien de mal!

Ces idées ont du succès. Parce qu’il y a des gens audibles qui les propagent. Et parce qu’il y a des esprits vulnérables qui les avalent.

En plus de tout cela, nous leur offrons des canaux de communication très populaires (la radio, parfois la télévision). Et nous ne leur apportons presque jamais la contradiction. La sociologue Naamane Guessous l’a fait mais elle est la seule.

Pourquoi n’entendons-nous pas le rappel à l’ordre et la contradiction apportée par d’autres fqihs ou par la Rabita des Oulémas? Pourquoi n’entendons-nous pas la contradiction apportée par les cancérologues ou les médecins?

Le plus dangereux n’est pas de laisser un fqih détourner la science et la théologie pour abrutir les masses. Il y a pire : accuser ou laisser accuser d’apostasie ceux qui lui apportent la contradiction.

Par Karim Boukhari
Le 03/02/2018 à 17h59