Quand Trump nous fait oublier Benkirane

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ChroniqueDepuis une semaine, nous parlons plus de Donald Trump que de Abdelilah Benkirane. Nous nous demandons: que va faire Trump ? Alors que la question est : que va faire Benkirane ?

Le 12/11/2016 à 19h29

Nous avons tous quelque chose à dire sur Donald Trump et plus généralement sur l’Amérique. Ce pays nous fascine. Même si nous pensons que la politique américaine est responsable de 90% des catastrophes et des drames dans le monde. Et même si une bonne partie des Américains ont probablement du mal à situer le Maroc sur une carte.

Il y a l’Amérique que nous aimons, celle de la liberté, des grands espaces, des écrivains et des artistes. Celle aussi des grandes découvertes scientifiques, des innovations technologiques, des droits civiques, de l’égalité des chances et des plus grandes réalisations humaines.

Cette Amérique aura toujours une place dans notre cœur. C’est un pays «mental» qui nous fait rêver et auquel nous sommes tous reliés, pour ne pas dire redevables, d’une manière ou d’une autre.

Et il y a l’autre Amérique, la mauvaise, celle qui nous fait peur, voire nous révolte. L’Amérique des guerres, de la course aux armements, du cynisme des multinationales, du lobby du pétrole et de la haute finance, l’Amérique gendarme du monde, imbue d’elle-même et trop sûre de sa force, l’Amérique de l’arrogance et de l’ignorance, celle aussi de Guantanamo et d’Abou Ghrib, du soutien inconditionnel à Israël.

L’Amérique a toujours inspiré ce sentiment double. C’est un pays mental qui a deux visages: celui que nous avons tant aimé et celui que nous rejetons de toutes nos forces.

L’arrivée de Trump nous angoisse parce que nous pensons que c’est la mauvaise Amérique qui prend le pouvoir. Tout comme l’irruption d’Obama, il y a de cela huit ans, nous avait fait croire au retour de la «bonne» Amérique.

Il est probable, au final, que les deux Amériques ne fassent qu’une. Si Obama n’était pas si bon, il faut espérer que Trump ne soit pas si mauvais.

Mais avec Obama comme avec Trump, nous avons vu comment notre fascination-obsession pour l’Amérique, la bonne ou la mauvaise, était là, intacte, renouvelable, très puissante. Au point de nous faire oublier des questions plus vitales. 

Malgré une actualité nationale particulièrement chargée, le fait est que les élections américaines nous ont davantage passionné que les affaires marocaines. Depuis une semaine, nous parlons plus de Donald Trump que de Abdelilah Benkirane.

Nous avons oublié, ou presque, que le Maroc fonctionne depuis cinq semaines sans gouvernement ni Parlement. Nous sommes dans une situation bizarre et dangereuse où le Chef de gouvernementélu n’arrive pas à constituer son équipe. Il est dans l’impasse et il menace, selon la formule consacrée, de «rendre les clés». Et c’est tout le pays qui est aujourd’hui en panne.

En dehors du pauvre Benkirane, le vide extraordinaire dans lequel nous vivons ne semble pas émouvoir grand monde. Nous nous demandons: que va faire Trump? Alors que la question est: que va faire Benkirane?

Par Karim Boukhari
Le 12/11/2016 à 19h29