Les Marocains se sont toujours méfiés de l’actualité. Quand il ne se passe rien, ils pensent qu’on leur cache quelque chose. Quand il se passe beaucoup de choses, ils pensent que quelqu’un, quelque part, veut détourner leur attention.
Dans cette paranoïa collective, l’information est perçue comme un leurre (on vous raconte le futile pour vous cacher l’essentiel) ou un amusement (on vous divertit pour vous endormir et vous faire oublier vos vrais problèmes).
Comme la religion, l’information serait un autre opium du peuple. Une drogue douce ou dure, cela dépend des moments. Celui qui en consomme tombe, de facto, dans une relation de dépendance-accoutumance. En phase aigüe, on peut même parler d’intoxication. Nous sommes en train de nager en pleine pathologie.
Les cliniciens définiront ce rapport à l’information comme étant paranoïde. On sait que la paranoïa est un délire systémique (général) mais totalement cohérent. Le malade, qui se prend au passage pour le centre du monde puisqu’il ramène tout à sa petite personne, a raison… mais dans un monde parallèle, imaginaire, qui n’existe que dans sa tête. Il devient impossible de le contredire et de le ramener à la raison. Il est intraitable, dans tous les sens du terme.
En plaçant le lecteur en cœur de cible, et en extrapolant, on peut dire que le Marocain est cet être humain persécuté par une information qui lui veut du mal. Jusqu’à preuve du contraire, bien sûr. Mais il faut se lever tôt pour établir ce contraire.
Il faut remonter loin dans le temps, et s’emparer des origines du génome du «Marocain moyen», pour trouver la trace de l’élément déclencheur de toute cette paranoïa. Dans une société de non dits, l’information circule de proche en proche, dans des sauf conduits protégés de toute intrusion extérieure. C’est le seul canal libre pour partager les vraies informations et les vrais problèmes. Tout le reste, et notamment la communication publique, est un leurre. Le leurre était dispensé hier par le «berrah» (crieur sur la place publique), aujourd’hui par les médias.
Dans ce schéma, la «vraie information» ou le «vrai problème» est celui dont personne ne parle. Quand un «vrai problème» fait l’objet d’une communication, il devient un leurre et bascule dans la catégorie «faux problème». En poussant le raisonnement, le vrai problème (celui dont personne ne parle) n’existe tout bonnement pas !
Nous serions donc continuellement manipulés par des informations futiles et des faux problèmes. Je vais vous dire: ce n’est pas si grave.
Dans le lot des futilités qui nous détournent des «vrais problèmes», deux méritent pourtant votre attention. C’est le genre d’anecdotes qui nous font grincer des dents ou sourire comme à une blague, en pensant: «Ah ces Marocains…».
La première nous vient de Rabat avec de hauts fonctionnaires impliqués dans une affaire de lotissements publics achetés à bas prix. Même si les transactions sont enveloppées dans un emballage plus ou moins légal, et même si la pratique est courante, touchant parfois jusqu’aux petits fonctionnaires, nous ne sommes pas loin d’un cas d’économie de rente.
La deuxième information futile nous vient…de Suède. Une équipe de jeunes footballeurs a pris part à un tournoi à Göteborg. Plusieurs membres de la délégation marocaine, entre adolescents et adultes, se sont subitement retrouvés au cœur d’un scandale d’attouchements sexuels dont les victimes sont trois jeunes Suédoises. La misère et la frustration sexuelle s’est donc transformée, l’espace de quelques minutes, en une sorte de «lâcher de sexes sur la femme blanche», excusez la trivialité de l’expression. Cela ne vous rappelle rien? Oui, oui, le scandale de Cologne, il y a quelques mois, avec un autre «lâcher de sexes» essentiellement perpétré par des réfugiés.
J’arrête l’énoncé de futilités et de faux problèmes. Bonne semaine à tous.