Jeunes gens bien élevés, il faut se méfier du football. Je vous le dis. Parce que le football c’est du sport et beaucoup de mauvaise foi.
Alors quand vous mélangez cette mauvaise foi au feu de la passion, à des enjeux suprématistes, et à beaucoup de bêtises surtout, vous obtenez un cocktail explosif. Une bombe!
Quoi, une bombe ? Parlerions-nous d’un attentat ou d’un acte terroriste? Tout cela n’est-il pas un poil exagéré?
Vous avez probablement vu ou entendu parler du scandale de la finale de la champion’s league africaine jouée hier, et dans laquelle le représentant du Maroc, le Wydad de Casablanca, a été beaucoup, beaucoup lésé. Match interrompu et jamais fini, but marqué et injustement invalidé, arbitrage fantaisiste, VAR (vidéo) en panne, le président de la CAF qui «descend» sur le terrain, cérémonie bancale, improvisation et confusion à tous les étages, etc.
Vous avez vu ou entendu parler de tout cela. Mais il y a aussi ce que personne ne vous dira, en tout cas pas en «on», et qui concerne les coulisses de la finale. Derrière le rideau, donc, il a du se passer des choses et des choses, dans les vestiaires, durant le voyage et le séjour en Tunisie.
Il a du se passer aussi des choses lors des échanges d’amabilités entre dirigeants marocains et tunisiens, et plus encore entre supporters. Au menu, mesdames et messieurs : insultes, jets de pierres et caillassages de bus, violences verbales, intimidations, probablement aussi dégradation de mobiliers et d’installations, etc.
Dans les heures et les jours qui viennent, et avec le retour de la délégation marocaine, vous allez lire tout cela et d’autres détails plus sordides. Et vous allez alors vous dire, en vous tenant la tête, que l’Afrique vient de nous offrir un grand moment de n’importe quoi. Encore un. Et que la fraternité maroco-tunisienne est une plaisanterie qui ne fait plus rire personne.
Que vous aimiez le foot ou pas, que vous soyez pour le Wydad ou le Raja, on va titiller votre fibre nationale, on va malmener votre fierté. On va vous « allumer » et vous pousser à bout.
Il y aura quelqu’un, un analyste sérieux et reconnu, qui vous dira : «marre, marre, y’en a marre que les clubs marocains soient la cible des arbitres, qui en veut au Maroc?».
A la télévision, j’ai entendu un commentateur dire et répéter: «A l’aller l’arbitre égyptien nous a égorgés d’une oreille à l’autre (minal warid ilal warid). Au retour, un arbitre sénégalais nous a égorgés aussi».
Carrément!
On ne parle plus seulement de léser, de mal siffler, mal arbitrer, mal juger, mal accueillir, abuser, maltraiter. On parler d’égorger!
Ce langage daechien ne fleurit pas seulement sur les terrasses des cafés, où le délire est de bon ton, et où toutes les horreurs peuvent être dites parce que «emportées par le vent». Des journaux, des sites et des supports audiovisuels, tout à fait respectables, ont utilisé le même langage, la même terminologie.
Ils ont parlé et continuent de parler d’égorgement, d’exécution, d’assassinat, de tuerie, de boucherie, etc.
Les plus doux parlent «seulement » de complot, de hogra, de corruption, de cette Afrique (comme si nous n’en faisions pas partie) qui ne nous aime pas…
Si, après avoir lu ou entendu tout cela, vous arrivez à garder votre calme et réduire ce qui s’est passé à la simple dimension d’un match certainement mal arbitré et mal organisé (ce n’est ni le premier ni le dernier), où le représentant marocain a été lésé (mais pas égorgé, dieu merci !) et qu’il lui reste des recours juridiques pour faire valoir ses droits et éviter une suspension, si vous arrivez à vous rappeler que le Maroc fait partie de cette Afrique qui n’est pas un continent lointain et étranger ; bref, jeunes gens bien éduqués et de bonne famille, si vous arrivez à raison garder, je vous dis merci.
Et c’est un supporter du Wydad, très, très déçu, qui vous le dis.