C’est, ici encore, un témoin gênant qui relate les faits et résume bien la situation, parlant de Zineb El Rhazoui: «vous savez, passer d’un brushing à 20 dirhams dans le Bas Agdal à des brushings Carita à 100 euros, en plein cœur de Paris, cela peut transformer une femme».
A nous autres mâles, linéaires, crédules, un brin machos mais surtout, et toujours, otages de notre race masculine limite autiste, il y a bien des choses qui nous échappent. Mais pas à nos Marocaines. Et encore heureux. Nous, ce sont les récents propos d’une Zineb El Ghazoui réinventée en Erika Zemmour qui choquent. Pour elles, c’est sa nouvelle coiffe qui interpelle. Qui a raison? «Tous les mêmes», à en croire Stromae.
Plus doctement, au Maroc, la formule est, jusqu’à nouvel ordre, éprouvée. Et elle a pignon sur rue. Au pays du plus c’est gros, mieux cela passe, monter au créneau à coups doubles d’inculture et de mauvaise foi chronique est érigé en label pour bien de nos faiseurs d’opinion. Les médias, pour la plupart, jouent le jeu et le succès est vite remporté. N’étant pas encore prémunis contre la bêtise, des acheteurs existent, ici comme ailleurs.
En France, pays des lumières, de la culture, des valeurs humaines et de la recherche de la vérité, si tant est qu’elle existe, elle -la formule, nous disions donc-, est un peu plus subtile. Elle n’en est pas plus flagrante. Et elle est d’autant plus violente.
Ici, comme ailleurs, et à peine arrivons-nous à supporter la haine distillée à coups d’interventions médiatiques d’un Eric Zemmour qui appelle sans cesse à la chasse aux musulmans, que voici venu un véritable ovni, bien décoré celui-là, en le nom de Zineb El Rhazoui.
Et que nous dit-elle? Sur CNews, mardi 5 novembre, la «chroniqueuse» propose que la police française tire «à balles réelles» contre les délinquants de banlieue parisienne. Face à la réprobation générale, elle répond: «bah si, quand vous avez un guet-apens de cent barbares... La police américaine aurait tiré à balles réelles!». Mais est-ce que ce monde est sérieux?
Encore mieux coiffée, Zineb –c’est ainsi qu’elle signe ses diatribes – nous régale quelques jours plus tard, sur LCI cette fois-ci, assumant pleinement ses propos et refusant jusqu’à l’idée de s’excuser. On retiendra au passage ses mimiques exagérées de diva, et son accent bien frankaoui, digne des plus grands personnages de l’histoire… Comme Marie-Antoinette, au funeste destin, comme chacun sait.
Choquants, volontiers provocateurs, de tels propos ont une finalité: que Zineb El Rhazoui continue de faire parler d’elle, maintenant qu’elle commence à se faire oublier. Quitte à semer à son tour la haine. Aux brioches, elle préfère les balles cependant.
Mais quand on replace ses propos dans le contexte du parcours global de l’intéressée, ceux-ci n’ont finalement rien d’étonnant.
Zineb El Rhazoui est native du Maroc, où elle a vécu jusqu’au bac. Elle y est retournée après une escapade parisienne, puis caïrote, et elle a toujours tout fait pour briller. Non par la force de son travail, encore moins en apportant de nouvelles idées, mais en surfant sur tout ce qui bouge. Des sujets tabous, ou à buzz, dans le défunt Le Journal, aux libertés individuelles en passant par le tout aussi mort mouvement Mali, sans oublier le mouvement du 20-février, tous les coups étaient bons pour bien se faire entendre (et connaître).
Bien suffisant pour pouvoir jouer les vedettes et se faire une place…C’est donc ce qu’elle a fait, mais ce n’était décidément pas assez.
De retour en France, elle fait de l’Islam son punching-ball. C’est facile, et ça rapporte, du coup. Une vieille frustration est assouvie. Elle travaille à Charlie Hebdo au moment de l’attentat. Une aubaine. Mais elle ne tarde pas à se retourner contre ses bienfaiteurs et finit rejetée. Entre-temps, elle se forge une réputation: celle de la femme la plus menacée de France…Par le terrorisme islamiste bien sûr.
Et c’est ainsi que l’on fabrique des monstres, dans leur forme la plus évoluée.
En manque d’arguments et clairement à court d’idées, la voilà qui s’attaque aux quartiers et leurs occupants. Mais au risque cette fois de manquer cruellement de légitimité et de justesse. Normal, Zineb El Rhazoui ne sait pas de quoi elle parle, mais elle parle. Très loin de maîtriser son sujet, elle se lance, cédant à la première astuce verbale venue. Même quand celle-ci est criminelle. Et elle tient un discours que même la droite la plus radicale en France n’ose pas tenir. Un discours imbu d’une haine qui trahit, comme pour Zemmour, la haine de soi-même. Et un sérieux défaut en journalisme. A la différence près que l’un est cultivé et l’autre ignorante.
Le fait est que, et c’est valable pour l’un comme pour l’autre, de tels noms n’auraient jamais eu droit de cité s’ils n’étaient encouragés par des médias dont le seul intérêt est de générer de l’audience. Au mépris du bon sens. La voilà, l’imposture de Zineb El Rhazoui. Son brushing, aujourd’hui très certainement chez Carita, n’y changera rien.