«Nous sommes là, au Qatar, pour écrire l’histoire», a déclaré Walid Regragui, entraîneur de l’équipe nationale du Maroc, à l’issue de la rencontre qui a mis en lice les Lions de l’Atlas et les Matadors et qui s’est soldée pour une victoire historique du Maroc et une qualification pour les quarts de finale de la Coupe du monde Qatar 2022.
Et cela est vrai. En terre qatarie, les Lions de l’Atlas se sont contentés, lors de leur première apparition, d’un match nul et vierge contre la Croatie, pourtant vice-championne du monde, avant de remporter deux duels en phase de groupes, respectivement contre la Belgique (2-0) et le Canada (2-1).
Des résultats plus que positifs qui ont permis aux protégés de Walid Regragui de figurer, avec beaucoup de mérite, en tête du groupe F, avec 7 points. Une performance jamais atteinte… et «Mazal Mazal», comme chantent à l’unisson les supporters des Lions de l’Atlas après chaque match.
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Cet exploit est sportif certes, mais a des incidences positives à la fois sur le quotidien des Marocains et sur l’image du Maroc à l’international, son «soft power».
Un sésame en temps de criseCette édition du Mondial est intervenue dans un contexte de post-crise sanitaire due au Covid-19. Cette pandémie, qui a lourdement impacté le pouvoir d’achat des Marocains, et la guerre en cours en Ukraine, ont engendré une inflation difficilement supportable pour les couches les moins favorisées. Et alors qu’une grande partie des citoyens pourfendaient la «cherté de la vie», la Coupe du monde est survenue et avec, les exploits des Lions de l’Atlas. Et «Vive le Maroc» a pris place, sans forcer, dans les espaces publics et privés.
«Les performances de l’équipe nationale ont dopé davantage le niveau de fierté des Marocains ainsi que leur attachement à leur pays», explique Sara Zeroual, experte en communication politique. On l’aurait compris, une dose de bonheur est toujours utile pour calmer les maux, surtout quand on s’y attend le moins.
Les exploits réalisés par les protégés de Walid Regragui, constate l’experte, ont aussi rehaussé le niveau de cohésion et de solidarité entre les Marocains, en particulier ceux résidant à l’étranger. Les scènes de célébrations, aux quatre coins du Royaume et du monde, en sont la preuve.
«Cette cohésion est plus visible chez la quatrième et cinquième générations qui n’ont jamais vécu une telle performance de l’équipe nationale sur le terrain du football mondial», poursuit-elle. Rappelons, dans ce sens, que la première -et dernière- qualification des Lions de l’Atlas aux huitièmes de finale du Mondial date de 1986, avec la génération de Badou Zaki et Abdelmjid Dolmi.
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Cette dernière s’est inclinée en huitièmes contre l’Allemagne (1-0). La team Regragui vient alors de surclasser la génération dorée du football national et de faire entendre sa voix dans la cour des grands.
Un exploit sur toutes les lèvres Cette voix est aussi audible dans le monde virtuel. Depuis la victoire du Maroc sur la Belgique (2-0) lors du deuxième match de la phase de groupes, les messages de soutien à l’équipe nationale ont fusé de tous bords sur les réseaux sociaux.
En plus, «le nombre de recherches du mot clé Maroc sur les moteurs de recherche a augmenté d’une manière exponentielle», fait savoir Sara Zeroual. En l’absence de chiffres exacts, l’experte en communication politique appelle à mener une étude quantitative et qualitative, juste après la fin de la Coupe du monde, pour mesurer l’impact de cet exploit sur la notoriété de l’équipe nationale et sur l’image du Maroc à l’international.
Par leur style de jeu, leur pragmatisme et surtout leur efficacité, les protégés de Walid Regragui ont aussi ébloui le monde des médias. Chaînes de télévision, radios, journaux et tabloïdes, ont tous relayé les différents exploits de l’équipe nationale, et ce sont aussi intéressés au Maroc. «C’est une bonne publicité pour le Royaume qui doit en profiter pour attirer plus de touristes et d’investissements étrangers», recommande l’experte en communication politique.
Le Maroc, un havre de paix et de stabilité Ces médias ont aussi relayé les images des célébrations des victoires des Lions de l’Atlas par un peuple marocain «passionné» par le football. «Les différentes chaînes ont transmis les images des milliers de Marocains célébrant les exploits de l’équipe nationale dans un cadre pacifique et en toute sécurité. Cela renforce l’image du Maroc en tant que havre de paix et de stabilité», souligne Sara Zaroual.
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Qui plus est, cette image a été encore plus étayée après la diffusion sur les réseaux sociaux de plusieurs vidéos, devenues vite virales, montrant le roi Mohammed VI, revêtu du maillot de l’équipe nationale et brandissant le drapeau chérifien, se mêler à la liesse populaire des Marocains dans les rues de Rabat. «Dans quel pays pourrait-on voir un Roi ou un chef d’Etat se mêler à la foule, en toute sécurité, pour fêter la victoire de son équipe nationale?», s’interroge cette interlocutrice.
«Ce ne sont pas de simples célébrations, c’est une communion de tout un peuple avec son équipe. Vous avez vu la vidéo du très discret roi Mohammed VI agitant son drapeau devant la foule l’acclamant, c’est incroyable», commente l’éditorialiste belge, Martin Buxant, surpris. Il poursuit: «Entre une Algérie tourmentée, une Tunisie qui est en train de basculer dans l’instabilité et une Libye qui est complètement exsangue, le Maroc apparaît donc comme un vrai point de stabilité au Maghreb, le seul».
Porte-étendard de l’Afrique et du monde arabeEn se qualifiant pour les quarts de finale du Mondial, le Maroc est aussi le seul pays arabe et africain à figurer parmi les huit pays les plus forts au monde du ballon rond. Cela lui a valu le statut de porte-étendard de l’Afrique et du monde arabe, fait remarquer Romain Molina, journaliste d’investigation français, contacté par Le360. «Le Maroc jouit aussi d’un soutien populaire aux quatre coins du monde», poursuit-il.
«En Occident, on a du mal à voir qu’aujourd’hui le Maroc est le représentant de l’Afrique et du monde arabe, cela fait surtout mal à certains», explique le journaliste français. Pour Martin Buxant, il s’agit d’une leçon que le Maroc donne au restant du monde, car, selon lui, «on n’imagine pas un Allemand, par exemple, se réjouir de la victoire des Pays-Bas en disant qu’ils jouent pour représenter l’Europe».
En plus de cette solidarité arabe et africaine avec l’équipe nationale, cet éditorialiste belge est aussi ébloui par l’attitude des joueurs marocains «qui sont nés en Europe, qui ont été formés et éduqués en Europe, et qui ont choisi de retourner vers le Maroc, le pays de leurs origines, et vers l’Afrique… car leur rêve ainsi que la grandeur ne sont plus exclusivement européens». Et cela se confirme par ce pas de géant réalisé par les Lions de l’Atlas en Coupe du monde.
Le Maroc, un leader continentalL’exploit de l’équipe nationale, qui «crédibilise le football marocain, ainsi que la Fédération royale marocaine de football (FRMF) et son président Fouzi Lekjaa», est le fruit, entre autres, d‘«une volonté étatique qui s’est traduite par des investissements structurels uniques en Afrique», explique Romain Molina.
«Aujourd’hui, le Maroc, qui dispose de structures peut-être meilleures que l’Afrique du Sud, est devenu une référence au niveau international et cela va en accord avec la politique panafricaine du Roi Mohammed VI», constate le journaliste d’investigation.
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Cet exploit crédibilise ainsi la stratégie marocaine de développement du football au niveau continental et lui permet «de se positionner de plus en plus comme un hub footballistique au niveau de l’Afrique et du monde arabe», précise encore Romain Molina.
Un autre élément intéressant et qui va dans ce même sens: la performance de Walid Regragui donne plus de légitimité au Maroc qui «peut aussi se positionner sur le volet de la formation des ressources humaines au profit des pays africains notamment à travers ses coachs», poursuit le journaliste.
Vers une Coupe du monde au Maroc?La qualification des Lions de l’Atlas pour les quarts de finale de la Coupe du monde, en plus de donner plus de visibilité au Maroc à l’international et renforcer son leadership au niveau continental et dans le monde arabe, offre plus d’éléments pour consolider un éventuel dossier de candidature marocaine pour organiser la Coupe du monde 2030.
«Chaque fois que le Maroc dépose sa candidature pour abriter la Coupe du monde, le comité en charge du dossier marocain déploie des efforts considérables pour présenter le Maroc sous ses meilleures formes et consacre ainsi d’importants budgets pour la communication et le marketing. Les Lions de l’Atlas, par cet exploit, ont pu réaliser, voire largement dépasser, ces objectifs», explique Sara Zeroual.
Le Maroc devra-t-il donc officialiser sa candidature pour abriter la Coupe du monde 2030? «Cette décision émane du Roi et de ses conseillers», explique Romain Molina. «Mais ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, le Maroc est le pays africain qui a le plus de poids au niveau des instances footballistiques mondiales», poursuit-il.
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Il a rappelé dans ce sens la nouvelle politique marocaine qui vise à renforcer la représentativité du pays au niveau des instances décisionnelles. Une orientation fructueuse et qui pourrait servir la candidature marocaine pour organiser la Coupe du monde 2030, comme elle a servi auparavant le dossier du Sahara marocain.
«L’influence marocaine à la CAF et à la FIFA s’est soldée par l’introduction de plusieurs changements au niveau du règlement intérieur de l’instance africaine de sorte que le Polisario ne puisse jamais participer aux compétitions continentales. Il lui faudra désormais être membre de la CAF en plus de disposer de la reconnaissance de l’Organisation des Nations unies (ONU)», précise le journaliste d’investigation.
Quel que soit le résultat du match qui opposera ce samedi 10 décembre 2022 le Maroc au Portugal, dans le cadre des quarts de finale du Mondial, les Lions de l’Atlas ont déjà réussi la mission d’ambassadeurs du Royaume en polarisant le regard du monde entier sur le Maroc.
Maintenant, il serait peut-être aux institutions marocaines de prendre le relais et fédérer l’ensemble des parties prenantes autour d’une même vision. «Il est indispensable de préserver cette image en vue de mieux la développer», insiste Sara Zeroual.
Institutionnaliser cette démarche nécessite, selon cette experte en communication politique, la mise en place d’une commission chargée d’audit de l’image Maroc. Celle-ci aura pour mission d’«établir une meilleure stratégie pour capitaliser sur l’existant et proposer les actions pour faire gagner le Maroc en notoriété».