Zakaria Moumni a quelque chose d’hyper important à «proposer» au Forum mondial des droits de l’Homme, qui débute jeudi 27 novembre à Marrakech. Il s’est fendu, via sa page Facebook, d’une lettre marathon, semble-t-il, pour enrichir le débat et - s’il vous plaît ! - pour la bonne cause. La rengaine de Moumni, tout le monde la connaît, même si l’intéressé y ajoute à chaque fois des variantes. Pour l’essentiel, cet ancien champion du monde de light contact, une sous-discipline de la boxe thaïlandaise (non reconnue par le comité olympique) affirme avoir droit à un poste de conseiller sportif au Maroc en vertu d’un décret de Hassan II. Il ajoute avoir embêté beaucoup de monde dans sa détermination à arracher «ce droit». Pour se débarrasser de ce sportif déterminé, les autorités marocaines auraient monté une affaire d’escroquerie où l’intéressé aurait soutiré 2.800 euros à deux Marocains à qui il aurait promis un travail en Europe. Les victimes ont porté plainte et Moumni a écopé d’une peine de trois an et demi, dont il a purgé 18 mois, avant de bénéficier de la grâce royale.
«4.9 millions d’euros pour me taire!»
Zakaria Moumni ajoute de nouveaux ingrédients à sa version des faits. Il va nommer des personnalités marocaines dans l’espoir à la fois d’intéresser les médias et de se donner une stature sans commune mesure avec les faits qui lui sont reprochés: escroquer des personnes qui rêvent de trouver une meilleure vie au nord de la Méditerranée. Quand on prend goût à l’argent facile, il est difficile de décrocher. C’est ce que prouve cet extrait d’une lettre adressée le 23 avril 2012 par Zakaria Moumni et son épouse à Mohand Laenser, alors ministre de l'Intérieur. Cette lettre est un modèle du genre. Un véritable «Guide au bon usage des racketteurs»! Regardons-là de plus près.
Les deux époux commencent par demander une réparation "des dommages moraux et traumatismes psychologiques" dont ils auraient été victimes. Cette réparation a un coût. Parce qu’il faut bien s’acquitter des dettes contractées par Madame pendant que Zakaria Moumni purgeait sa peine de prison, de "payer les honoraires d'avocats, frais médicaux liés aux multiples et graves problèmes de santé auxquels elle a été confrontée". Et dans le dernier paragraphe de la lettre, Zakaria Moumni sort de son chapeau le projet d'une salle de sport et demande à l'Etat marocain de lui remettre 4.9 millions d'euros (plus de 50 millions de dirhams). Rien que cela. Les mots de l'intéressé dans le courrier adressé à Laenser résonnent comme une tentative de racket, doublé de chantage, opéré par des voyous: "Mais nous sommes aujourd'hui animés de bonne volonté pour aller de l'avant et repartir sur de nouvelles bases. Pour reconstruire notre vie, nous avons pensé à un projet de club de boxe professionnel à Paris où nous résidons. A lui seul, le prix du local que nous avons trouvé, d'une superficie de 435 mètres carrés, est de 4,9 millions d'euros. Nous contracterons un prêt bancaire pour le financement de l'équipement et l'aménagement du club en question".
Cette demande émane d'un homme qui joue aux victimes au nom de la morale et des droits de l'Homme ! Précisons, au passage, que Moumni est un féru de la rente et de l’argent facile puisqu’il a déjà obtenu deux agréments de taxi auprès de l’Etat marocain: la premier pour lui et le second pour son père. L’intéressé ne parle jamais de ces deux agréments dont il continue de jouir tout en menant un chantage caractérisé contre l’Etat.
Les affabulations d’un racketteur
Chaque fois qu’il y a un rassemblement lié aux droits de l’ Homme, Zakaria Moumni se rappelle au souvenir des autorités marocaines. Sa « lettre adressée à tous les invités du Forum International des Droits de l’Homme à Marrakech » est en fait une tentative de plus pour lever 50 millions de dirhams. Dans cette dernière version, on découvre de nouveaux détails sur les exactions dont il aurait été victime. «Toujours les yeux bandés, j'ai subi des tortures de toutes sortes: j'ai été électrocuté partout sur le corps, suspendu par les pieds et tabassé avec des barres de fer sur les jambes et les tibias». C’est la première fois qu’il parle de barre de fer sur le tibia et d’électrocution. Dans chaque version, il affabule de nouveaux détails. Mais dans chaque nouveau récit, il multiplie aussi les incohérences par rapport au précédent. «A un moment de torture et avec la rage, j'ai réussi à enlever le bandeau sur mes yeux et c'est à ce moment-là que j'ai vu le directeur de la DGST, Abdellatif Hammouchi. Abdellatif Hammouchi a alors quitté la pièce en courant». Auparavant, l’intéressé disait qu’il avait les mains ligotées et qu’à un moment en sursautant, le bandeau qui lui couvrait les yeux était tombé, et qu'il avait reconnu le patron du contre espionnage marocain.
Mais la dernière version n’est pas davantage crédible. Parce qu’elle laisse supposer que Zakaria Moumni subissait la torture les mains libres et les yeux bandés. Les supposés tortionnaires de Moumni sont donc bien téméraires de se frotter à un ancien champion du monde d’un sport de combat de rue sans même pas prendre la peine de lui ligoter les mains. En plus, qui peut bien croire que le patron de la DGST, Abdellatif Hammouchi, n’a rien de mieux à faire que de s’occuper d’un criminel de droit commun. A ce sujet, la plainte déposée par Action chrétienne contre la torture, ACAT, contre le patron de la DGST pour de présumés actes de torture contre Moumni n’a pas abouti. Cette manœuvre a fait flop, la justice française a classé le dossier pour vice de forme.
Dans cet inénarrable chapelet de science-fiction, même le secrétaire particulier du Roi, Mounir El Majidi, n’a pas échappé à l’œil torve de Zakaria Moumni. Ce dernier a accusé El Majidi de l’avoir menacé de «mort»! Une accusation surréaliste qui a valu à son auteur une plainte pour diffamation déposée par le secrétaire particulier du roi à Paris. Dans les faits, Zakaria Moumni n’a jamais rencontré Mounir El Majidi. Pas plus, d’ailleurs, qu’Abdellatif Hammouchi, entre autres commis de l’Etat auxquels ce célèbre anonyme veut se frotter. Zakaria Moumni affirme avoir des preuves. Qu’il les montre, qu’il les distribue aux invités du forum des droits de l’Homme de Marrakech au lieu d’épeler à chaque fois son chapelet du parfait racketteur. Depuis un certain temps, Moumni répète qu’il va nous sortir les enregistrements de ses entretiens avec Laenser. Nous sommes las de les attendre. D’ailleurs, curieusement, Moumni ne parle plus de ces fameuses preuves. C’est pourtant ce qu’il devrait fournir aux invités du forum mondial des droits de l’Homme à Marrakech. Ce n’est pas là la seule omission à l’adresse des participants au forum. Moumni a également oublié de leur proposer d’inscrire le chantage dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme.