La vie professionnelle est loin d’être un long fleuve tranquille pour les inspecteurs du travail. Ces fonctionnaires, dont le rôle principal est de contrôler l’application de la législation du travail par les entreprises, doivent affronter au quotidien une multitude d’obstacles.
Cette dure réalité, souvent mise en avant par la profession, a été confirmée récemment à la Chambre des conseillers par Hicham Sabiry, secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi, qui a évoqué les violences verbales et physiques, les poursuites judiciaires et la surcharge du travail auxquels ils sont sujets.
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Interrogé à cet effet par Le360, Abdessamad Assim, secrétaire général du Syndicat national des inspecteurs et des fonctionnaires du ministère de l’Emploi et des Affaires sociales, affilié à l’Union marocaine du travail (UMT), a esquissé un tableau plutôt sombre de la vie active des inspecteurs du travail.
Ce sont d’abord les relations avec certaines entreprises qui sont problématiques. Certains employeurs leur interdisent tout bonnement l’accès à l’entreprise. Et même si ce pas est franchi, ces fonctionnaires peuvent être confrontés à une multitude d’obstacles les empêchant de remplir leur mission, note-t-il.
L’employeur peut, en fait, recourir à différentes manœuvres pour ne pas mettre à leur disposition les documents demandés. Il peut aussi intimider ses employés pour les dissuader de fournir aux inspecteurs du travail les informations recherchées.
Les inspecteurs du travail pas assez protégés
Pour prévenir une telle situation, les inspecteurs revendiquent une protection juridique renforcée, indique Abdessamad Assim, à travers un encadrement juridique des procès-verbaux (PV) qu’ils rédigent, pour empêcher les patrons de les contester à leur guise, note-t-il, citant l’exemple des PV relatifs aux accidents de travail qui ont été harmonisés.
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Il a rappelé que le gouvernement s’est engagé, dans le cadre de l’accord du 26 avril 2011 avec les syndicats, à examiner cette question. Mais cet engagement est resté sans suite, déplore-t-il.
Et ce n’est pas tout. La situation de la profession a été fragilisée par les modifications effectuées par le département de tutelle sur leur carte professionnelle, selon Abdessamad Assim, supprimant les dispositions juridiques qui encadrent la mission des inspecteurs du travail.
Le secrétaire d’État chargé de l’Emploi a également évoqué le nombre trop peu élevé d’inspecteurs du travail, qui sont 450 répartis entre 53 directions provinciales. Un nombre qui fait planer le «danger d’extinction» de cette catégorie de fonctionnaires, en raison de l’absence de remplacement des départs à la retraite
Du pain sur la planche
Résultat: les inspecteurs sont surchargés de travail. Depuis l’ajout de la conciliation à leur mission initiale qui porte sur le contrôle - tâche qui occupe jusqu’aux deux-tiers de leur temps de travail - la situation est encore plus critique.
Or, de l’aveu même du secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi, ces fonctionnaires fournissent un effort colossal pour contrôler la déclaration des salariés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) par leurs employeurs, qui est en lien direct avec la généralisation de la couverture sociale.
En effet, 6 millions de Marocains demeurent privés de leurs droits de déclaration à la CNSS, ce qui fait perdre à cette institution et à l’État plus de cinq milliards de dirhams.
En plus de la gestion de ce type d’infractions, la plus importante part de leur travail concerne les infractions relatives au salaire, le repos hebdomadaire ou l’horaire de travail, selon Abdessamad Assim.
Selon le secrétaire d’Etat, l’inspection du travail a traité 23.819 conflits individuels et 531 conflits collectifs à fin septembre 2024. Son intervention a permis d’éviter 488 grèves dans 483 institutions. Sur la même période, ils ont traité 18.227 plaintes.