Ils font de la maçonnerie, de la plomberie, de l’électricité, de la peinture, et même des travaux domestiques. Ces travailleurs de l'informel se tiennent debout dans l’attente d’un employeur éventuel. Dans un contexte marqué par un fort taux de chômage et par une précarité de l’emploi, cette main-d’œuvre indispensable au fonctionnement du pays, est disponible dans tous les «Mawkaf» des villes du Maroc, autrement dit, dans ces points de rencontre où ouvriers et artisans attendent l'embauche. Ces lieux sont traditionnellement situés aux portes de la médina, sur certaines places ou dans des rues très fréquentées. Chaque jour, on y voit des travailleurs qui offrent leurs bras pour effectuer une tâche à durée et à prix déterminés.
À Casablanca, il en existe une dizaine historiquement connus, et dispersés dans plusieurs arrondissements de la ville. Nous nous sommes dirigés vers deux «Mawkaf» situés respectivement à Derb Ghallef et à Maârif, dans la préfecture d’Anfa. Sur place, le constat est formel, ces travailleurs connaissent un chômage sans précédent: depuis le début de la crise du Covid-19, rares sont les clients qui font appel à leurs services.
L’une des principales raisons de cet arrêt d’activité est la crainte de contamination au coronavirus. Les clients, de plus en plus méfiants à l’idée de ramener chez eux un étranger, préfèrent remettre leurs projets d'aménagement ou de réparation à une date ultérieure, à savoir à l'après-confinement.
Les travailleurs ne sont sollicités que dans les rares cas de pannes nécessitant l’intervention immédiate d’un professionnel, notamment pour des problèmes de plomberie ou d’électricité. Et lors de ces rares opportunités de travail, ces ouvriers doivent respecter les mesures d’hygiène imposée par la majorité des clients. Port obligatoire du masque, désinfection des mains et des chaussures, et surtout distanciation sociale vis-à-vis des membres de la maisonnée.
Mais, comme la solidarité est un devoir (à référent religieux) et une pratique sociale inscrite dans la quotidienneté de la société marocaine, particulièrement dans les situations d’exception, les journaliers du «Mawkaf» s’entraident. Ils se prêtent de l’argent entre eux, voire se partagent les quelques dirhams que les uns ont gagnés, afin que chacun rapporte de quoi manger à sa famille.
Concernant les aides financières de l’Etat marocain allouées aux travailleurs opérant dans l’informel, les réponses diffèrent. Certains des ouvriers interrogés déclarent avoir reçu des dotations comprises entre 800 et 1.200 dirhams selon la taille du foyer. Mais la majorité d’entre eux attendent toujours le déblocage de cette somme d’argent qui pourrait alléger leurs difficultés.
Malgré l’état d’urgence sanitaire décrété par le gouvernement, les travailleurs journaliers du «Mawkaf» sont présents du matin au soir, dans l’attente d’un éventuel client, et surtout dans l’espoir de voir disparaître la crise épidémique.