Vidéo exclusive. Grand Format Le360: l’interview-vérité du Dr Moncef Slaoui

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Dans sa première sortie médiatique, après son retrait de l’opération "Warp Speed", le Dr Moncef Slaoui nous parle de l'efficacité des deux vaccins autorisés par le Maroc, de la polémique AstraZeneca et du phénomène des nouveaux variants. Selon lui, un retour à la normale n'interviendra pas avant la fin de l'été prochain.

Le 19/02/2021 à 10h14

Propulsé mi-mai 2020 par l’ex-président américain Donald Trump à la tête du programme de développement du vaccin contre le Covid-19, Opération "Warp Speed", le Dr Moncef Slaoui a démissionné mardi 12 janvier dernier, à la demande de l’administration Biden, avec le sentiment d’avoir accompli sa mission avec succès.

Son retrait de "Warp Speed", devenu effectif depuis le 12 février 2021, était déjà planifié. "Fin novembre-début décembre, j’avais annoncé mon intention de me retirer dès qu’il y aurait deux vaccins contre le Covid-19 qui seraient approuvés et utilisés. Il est temps pour moi de retourner à ma vie privée et à mes propres affaires. Cela fait 7 à 8 mois que j’ai tout laissé tomber pour me consacrer à cette mission", confie-t-il.

Alors qu’il devait se retirer en décembre 2020, suite au feu vert donné par l’Agence américaine des médicaments (FDA) aux vaccins de Pfizer et de Moderna, le Dr Slaoui a finalement attendu l’arrivée de la nouvelle administration pour assurer la transition avec son successeur. "Tout cela s’est passé de manière très constructive et totalement normale. Je suis très content d’avoir assuré et achevé cette mission. J’aurais bien espéré qu’on ait encore plus de doses de vaccin, et plus vite que ce qu’on a pu faire, mais je pense que, globalement, cela a été un grand succès", se félicite cet homme appelé «Monsieur Vaccin de Trump». En tout, l’opération "Warp Speed" aura coûté environ 20 milliards de dollars, contre un budget engagé au départ de l’ordre de 15 milliards de dollars.

La vaccination au Maroc, un cas d’école

Le Dr Slaoui se dit impressionné par la qualité de l’organisation de la campagne de vaccination lancée par les autorités marocaines, notant au passage que le Maroc figure au sixième rang des pays ayant vaccinés la plus grande proportion de leur population.

"Je trouve cela extraordinaire et remarquable. Cela démontre qu’il y a eu clairement et, très tôt, une vision stratégique pour conclure les accords qui ont permis d’avoir rapidement accès aux vaccins", se réjouit-il.

Le Dr Slaoui affirme ne pas disposer de suffisamment d’informations sur le vaccin du laboratoire chinois Sinopharm, sans toutefois remettre en cause son efficacité. "Ce vaccin est basé sur une technologie très bien documentée, bien prouvée, sûre et dont l’innocuité est bien démontrée", affirme le sicentifique.

S’agissant du vaccin d’AstraZeneca, le Dr Slaoui estime qu’il a montré son efficacité contre les formes sévères de la maladie (hospitalisations et morts dues au Covid-19), mais reste moins efficace que les vaccins RNA contre les symptômes de la maladie (toux, rhume).

"D’un point de vue de santé globale, l’important, c’est d’éviter la maladie sévère (hospitalisation, mort). De ce côté-là, le vaccin d’AstraZeneca est excellent", tranche l’immunologue marocain, en rappelant que ce vaccin est fabriqué en Inde, soit le premier pays producteur de vaccins dans le monde. Le Dr Slaoui n’a d’ailleurs pas hésité à recommander l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca à sa mère, vaccinée il y a quelques jours à Casablanca.

Pas de retour à la normale avant l’été

Après le vaccin, à quand un retour à la normale? "Cela va varier d’un pays à l’autre. Le jour où 70 à 80% de la population seront vaccinés dans un pays, les risques importants (hospitalisations, décès) seront sous contrôle, répond le désormais ex-directeur scientifique de l’opération "Warp Speed".

Dès que les personnes les plus à risque (âgées de plus de 65 ans) seront vaccinées, dit-il, l’impact sera perceptible au niveau des hospitalisations et des décès. Les statistiques américaines font déjà état d’une baisse d’à peu près 50% des cas d’hospitalisation et de décès aux Etats-Unis.

"Au mois de mars prochain, on aura vacciné les personnes vulnérables. En juin, on aura vacciné la majorité de la population. Je pense que d’ici l’été, il y aura un retour graduel vers la normale aux Etats-Unis", prévoit le Dr Slaoui.

S’agissant du Maroc, le retour à une situation normale se fera progressivement d’ici la fin de l’été, quand la majorité de la population marocaine aura été vaccinée, a-t-il ajouté.

Après plus de trente ans chez GlaxoSmithKline (GSK) et 9 mois à la tête de l'opération "Warp Speed", le Dr Slaoui a décidé d’entamer une nouvelle aventure. Il vient d’être nommé directeur scientifique d’une nouvelle entreprise pharmaceutique, Centessa, fruit d’une coalition entre dix start-ups actives dans la biotechnologie.

Soutenues par la société d'investissement britannique Medicxi, qui a levé à cette fin un montant de 250 millions de dollars, les dix biotechs se concentrent sur des traitements destinés aux patients atteints d'hémophilie, de cancer et de maladies rénales, entre autres.

Interrogé sur sa disposition à s’impliquer, d’une façon ou d’une autre, dans la formation ou la recherche pharmaceutique au Maroc, l’éminent scientifique affirme avoir beaucoup d’attaches avec son pays d’origine. "C’est là que je suis né et où j’ai grandi. Je trouverai donc toujours le moyen d’aider. Ma disponibilité en termes de temps est certes limitée, mais dans le temps que j’ai, je serais très heureux d’aider et de continuer à aider, aussi bien le Maroc que la santé publique globale au niveau du monde", conclut le Dr Moncef Slaoui.

Par Wadie El Mouden et Youssef El Harrak
Le 19/02/2021 à 10h14