Femmes-mulets ou portadoras sont autant de surnoms que l’on attribue à ces femmes qui acheminent la marchandise, de ce temple de la contrebande qu’est Sebta, jusqu’au Maroc. Le corps plié sous le fardeau de leurs charges et des responsabilités familiales, elles sont des milliers à effectuer le même rituel, traversant la frontière espagnole pour s’enfoncer dans les sinuosités du cyclopéen polygone de Tarajal, qui jouxte la frontière, moyennant 50 DH par voyage.
Pour ces "femmes de somme", qui travaillent pour le compte de commerçants, le temps c’est de l’argent, plus d’allers-retours elles font, plus elles empochent. La foule se presse, s’empresse, se tasse. Les douaniers se font conciliants au gré des bakchichs, les plus résistantes tiennent le coup, d’autres, lestées, courbent l'échine fatalement, sous le poids des cabas et meurent étouffées.
Ce commerce aussi nébuleux qu’inhumain est une manne financière qui rapporte à l’enclave pas moins de 6 millions d’euros annuels mais décime des vies aussi. Deux femmes en ont payé le lourd tribut, jeudi 26 novembre. Une jeune femme (20 ans) est morte, étouffée, dans une bousculade, ensevelie sous ses paquets de marchandises tandis qu’une autre a fait une fausse couche, quelques heures après avoir été transportée à l’hôpital de Fnideq.
D’innombrables incidents sont enregistrés dans ce polygone commercial et, devant la tragédie, les sempiternels questionnements resurgissent. Que font les autorités pour améliorer les conditions de travail de ces têtes brûlées? Quid de l’ouverture d’une douane commerciale? Pourquoi ne voit-on pas un seul homme faire cet exténuant labeur de mulet? Où sont ces hommes de famille qui se disent soucieux de leur amour-propre? Sans réponse …