Au Maroc, certaines personnes utilisent le médicament antidiabétique Victoza pour la perte de poids. Mais cette pratique n’est pas sans danger. Interrogée par Le360, Dr Kenza Saad, médecin généraliste et diabétologue, explique que le Victoza, basé sur la molécule de semaglutide, aide les personnes atteintes de diabète à contrôler leur glycémie. Il fonctionne en imitant une hormone digestive naturelle, le GLP-1, qui régule l’appétit en agissant sur les zones du cerveau responsables de la satiété et entraîne même une perte de goût pour les aliments. «Toutefois, l’utilisation non médicale de cette molécule, en vue de la perte de poids chez des individus non diabétiques, expose à de réels dangers», met-elle en garde.
Parmi les effets secondaires rapides de cette utilisation, la spécialiste cite les maux de tête, la fatigue, des vertiges, des ballonnements, des flatulences, la nausée, la constipation et la diarrhée. Et d’avertir que ces symptômes, bien que considérés comme courants, ne doivent pas être négligés, car ils peuvent affecter considérablement la qualité de vie des patients.
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Le mésusage du Victoza peut aussi entraîner des complications plus sérieuses, notamment la pancréatite aiguë, une inflammation soudaine du pancréas nécessitant une hospitalisation immédiate et qui peut laisser de graves séquelles sur la santé du patient. Il y a aussi l’hypoglycémie, une baisse excessive du taux de sucre dans le sang, qui représente un risque potentiellement mortel si elle n’est pas traitée promptement.
«Par ailleurs, la perte de poids rapide induite par le médicament peut conduire à des épisodes fréquents de vomissements, augmentant le risque de déshydratation en plus d’une fragilité induite au niveau des tissus conjonctifs à cause de la perte d’élastine et de collagène, entraînant des changements physiques notables, tels que le visage dissemblable, caractéristique du traitement au semaglutide», poursuit Dr Saad.
La diabétologue signale ainsi qu’il est impératif de sensibiliser le public aux dangers liés à l’utilisation non médicale de médicaments comme le Victoza. Et de suggérer que la délivrance de tels médicaments devrait être réservée à une prescription médicale, garantissant ainsi une utilisation appropriée.
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Également contacté par Le360, Mohamed Lahbabi, président de la Confédération des syndicats des pharmaciens du Maroc, souligne que la solution ne doit pas se limiter à imposer la vente du Victoza sur ordonnance, «car il est difficile de vérifier la validité d’une ordonnance, surtout si elle provient d’un hôpital public où le contact peut être rompu». Il donne l’exemple des psychotropes: «L’ordonnance n’a jamais empêché quelqu’un de s’en procurer puisqu’il est devenu facile de les falsifier.» Ainsi, selon lui, la solution réside plutôt dans la sensibilisation de la population au fait qu’un médicament détourné de son usage peut avoir des conséquences graves, voire mortelles.
Le pharmacien assure néanmoins que même si l’utilisation détournée de l’Ozempic/Victoza est mondialement répandue, une minorité seulement s’y adonne au Maroc. «Dans nos officines, nous n’avons pas observé de recrudescence ou de forte demande de Victoza. Cependant, cela n’empêche pas les pharmaciens marocains d’être vigilants et informés du phénomène, prêts à sensibiliser toute personne suspectée de l’utiliser à des fins de perte de poids non médicale», précise-t-il.
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«Il est important de noter que le Victoza n’est pas prescrit directement à un patient diabétique. Son usage est précédé par l’essai d’autres traitements, tels que l’insuline, qui ont dû montrer leur limite par rapport à son cas, et ce n’est qu’après des évaluations approfondies que l’endocrinologue peut recommander le Victoza», note Mohamed Lahbabi. «Ainsi, lorsque des patients demandent directement du Victoza en pharmacie, cela nous met la puce à l’oreille et incite les pharmaciens à enquêter sur la raison de cette demande.»
Notre interlocuteur relève que l’éducation et la responsabilisation individuelle demeurent des éléments essentiels pour faire face à ce défi de santé publique. Il est impératif que chacun comprenne les risques associés à l’utilisation détournée de médicaments et s’engage dans une utilisation responsable, car, comme le souligne le président de la CSPM, «une personne majeure et vaccinée doit savoir prendre des décisions éclairées pour protéger sa santé et n’attend pas les conseils des officines».