Il y a presque un an, Ynna Holding que présidait Miloud Chaâbi, devait communiquer sur l’état de santé de son président. «Le 25 mai 2015 le patron du groupe a subi avec succès une opération du fémur». Le communiqué publié à cette occasion (fait rare au Maroc) indiquait que «l’état de santé du patient évolue très favorablement et les suites de l’intervention qu’il a subie sont d’un très bon pronostic».
Le 16 avril 2016 sa famille annonce le décès du «père», dans un établissement de soins en Allemagne. Agé de 86 ans, l’homme a vécu des hauts et des bas, en dépit de sa richesse. Ses relations avec l’establishment étaient parfois tendues. Originaire de la région de Chiadma, près d’Essaouira, l’homme, parti de rien, allait devenir l’une des plus grosses fortunes du Maroc. Forbes le donnait 2e milliardaire (1,28 milliard de dollars en 2015) après Othmane Benjelloun, le patron du Groupe Finance.Com.
Sa fortune est née dans le béton. Il fut le premier promoteur immobilier au Maroc. En créant Ynna Holding, une sorte de toile d’araignée qui contrôle une multitude d’entreprises opérant dans l’industrie et le BTP (SNEP, GPC, Super Ceram, Dimatit, Electra, Fibrociment, Sametal, SCIF); la promotion immobilière et l’hôtellerie (Châabi Lil Iskane, Ryad Mogador); la grande distribution (Aswak Salam); l’agroalimentaire (société Karam pour la production et la commercialisation de l’eau de source Ain Soltane); et les énergies renouvelables (via Ynna bio Power avec un investissement d’1 milliard DH dans deux projets de parcs éolien, le 1er à Essaouira qui a démarré en 2009 et le second, toujours à l’état de projet, prévu à Tanger).
Miloud Chaâbi est l’incarnation de l’homme d’affaires atypique qui a su construire son empire à la force du poignet. Depuis son début en 1948 à Kénitra, jusqu’à ce qu’il décroche au fil des années des contrats juteux et à gros budgets, Miloud Chââbi a su saisir les opportunités au bon moment. Il incarne le Self made man marocain, aujourd’hui donné en exemple en matière d’entreprenariat.
Il était, en effet, un modèle de réussite. L'homme d'affaires a évolué sous d'autres cieux, en Afrique et dans le monde arabe, où il détenait des participations dans des entreprises liées au secteur du BTP et de l'industrie, notamment en Egypte, Tunisie, Emirats Arabes Unis, Guinée Equatoriale et Jordanie.
Pas seulement. Le défunt comptait à son actif plusieurs actions sociales. Il a créé dès 1965 la Fondation Miloud Chaâbi qui œuvre en faveur des étudiants à travers des bourses de mérite, Dar Talib et Dar Taliba, ainsi que «Al qualam», un établissement d’enseignement dans la région du sud.
L’homme était aussi courtisé par la sphère politique. Plusieurs fois député d’Essaouira, son dernier mandat, en 2007, était sous les couleurs du PPS.
Fin 2014, l’état de santé de Haj Miloud Chaâbi commence à péricliter. Après avoir subi une opération au cœur en 2013, le doyen disparait des écrans. Il a dû faire une réapparition furtive, suite au procès intenté contre son groupe par le Français Five FCB, dans une affaire d’appel d’offres pour un projet de cimenterie. Le groupe Chaabi a été condamné à reverser 19,5 millions d’euros au titre des dommages. Prévoyant et plein de sagesse, Il a décidé de répartir le patrimoine familiale entre ses héritiers.
Les affaires et la politiqueMiloud Chaâbi a également choisi d'investir le champ politique. Ses choix étaient plutôt conservateurs et les dirigeants et militants du PJD lui vouaient une admiration particulière, surtout à Kénitra, ville dirigée par Aziz Rabbah, ministre de l'Equipement et du transport.
"Lhaj Chaâbi était une sorte de caution morale pour les islamistes à Kénitra", explique une source du PJD.
Mais Miloud Chaâbi n'était pas le seul à faire de la politique. Ses fils (Faouzi, Asmae notamment) ont suivi son exemple en se portant candidats aux élections sous plusieurs couleurs partisanes.
Asmae a dirigé la mairie d'Essaouira. Faouzi a longtemps représenté la "tribu Chaâbi" à Rabat sous les couleurs du PPS, du MP, voire en tant que SAP.
Aujourd'hui, avec le décès du patriarche, c'est toute une page qui est tournée.








