Pour en savoir plus, j’ai allumé la radio. Le flash info n’a pas jugé utile de mettre cette actualité en avant, la reléguant au troisième ou quatrième titre du journal, loin derrière les informations dites nationales. Comme s’il s’agissait d’un événement anecdotique, sans relief particulier.
Au micro, un responsable de la ville de Fès tente de dresser le bilan du drame. Pour commencer, il met l’accent sur la célérité avec laquelle les autorités locales et les éléments de la Protection civile se sont rendus sur place pour apporter les secours nécessaires. Il loue aussi les services de l’hôpital de quartier qui a accueilli les blessés, ainsi que les médias qui ont fait preuve de responsabilité pour encadrer la population et réduire le risque de panique.
À ce niveau, nous dit-il, «tout va bien, al-hamdoulillah». Il nous apprend ensuite que l’immeuble menaçait ruine et que les habitants avaient déjà reçu un avis pour quitter les lieux. Sans plus de détails sur la date de l’émission de l’avis ni sur rien d’autre.
Reste le point essentiel, le drame humain. Le responsable nous informe, sur un ton neutre, que neuf (ou dix, comme on l’apprendra plus tard) personnes sont décédées: deux hommes, trois femmes, deux garçons et deux fillettes. Il n’en dit pas plus. Pas même un mot ou une formule de compassion, rien.
«Dans quelques jours, l’actualité disparaîtra peu à peu des pages de garde. Et on oubliera les conclusions de l’enquête diligentée pour déterminer les responsabilités de l’effondrement»
Alors que les corps des victimes sont encore chauds, le responsable insiste davantage sur les blessés qui sont pris en charge dans un établissement hospitalier, et sur le fait que tout est sous contrôle, «al-hamdoulillah». Ça sera tout.
La place accordée au drame humain est minime, comme si ce n’était pas le plus important. La hiérarchisation même de l’information confirme la tendance: la mort de neuf ou dix personnes n’est qu’une donnée parmi les autres, pas plus prégnante que les autres.
En allant vers d’autres sites d’information, j’ai retrouvé les mêmes éléments de langage et, surtout, la même hiérarchisation de l’information. Avec cette part du lion accordée à la célérité de l’intervention des secours et des forces de l’ordre…
Voilà, c’est tout. Dans quelques jours, voire dans quelques heures, l’actualité disparaîtra peu à peu des pages de garde. Et on oubliera les conclusions de l’enquête qui a été diligentée pour déterminer les responsabilités de l’effondrement. On oubliera ou on ne s’intéressera pas plus au relogement des survivants et au dédommagement des familles des victimes. Si dédommagement il y a, bien sûr.





