Nous vous rapportions, il y a exactement deux mois, le 30 octobre 2013, l’histoire de Mi Fatma et Ba Mahjoub, respectivement âgés de 80 et de 92 ans. Un couple bouleversant, profondément soudé et lié par un indéfectible amour. Mi Fatma et Ba Mahjoub n’auraient en effet pu concevoir d’intégrer une maison de retraite, vu qu’on y sépare, au Maroc, hommes et femmes. Et il n’est pas question de les arracher l’un à l’autre. Or, ce couple, dont l’homme a perdu la vue, ne peut se tenir debout et est contraint de porter des couches, et dont la femme est sourde et commence de même à perdre l’usage de ses yeux tout en continuant bravement à prendre soin de son mari qui n’a qu’elle, vit, de plus, dans des conditions désastreuses. Un trou de 1,50m sur 1,50m. Pas de toilettes, pas d’eau, pas d’électricité… Rien. Un réseau de solidarité est alors créé sur Facebook pour alerter la société civile et sortir Mi Fatma et Ba Mahjoub de cette dramatique situation.
Une importante mobilisation... avortéeL’appel est entendu. Nombre de personnes de bonne volonté offrent leur aide sur le compte Facebook du réseau de solidarité et Le360, suivi ensuite par d’autres médias, relaye l’information en espérant donner plus d’amplitude au mouvement et accélérer l’action. Si nous évoquons le fait que Le360 a été le premier média à réagir, ce n’est nullement par suffisance ou autre raison tendancieuse. Le fait est que, après articles et interview d’un des membres du réseau de solidarité, actions motivées par un réel engagement humain tel celui qui a animé la société civile, nous avons eu la désagréable surprise de nous voir rapidement bloquer sur le réseau en question pour avoir posé la question de savoir pourquoi, après toutes les propositions et promesses d’aide reçues, ce couple vivait toujours dans les mêmes conditions alors qu’il était bien question d’urgence et "d’assistance à personne en danger" comme n’a cessé de le répéter l’une des administratrices du réseau en question lors de l’entretien que nous avons eu avec elle.
Les propositions des personnes qui ont émis le souhait d’accueillir Mi Fatma et Ba Mahjoub ont été balayées d’un revers de la main pour diverses boiteuses raisons. "Ce n’est pas une solution. Et si la personne qui les accueille venait à mourir ? Et si, à ce moment-là, les héritiers ne voulaient plus d’eux ?". Et si… Et si… Avec des "si", on pourrait mettre Paris en bouteille, dit-on. En l’occurrence, avec ces "si", on met surtout les esprits en sommeil et les énergies positives en ruine. Des dons ont été faits. De même que des promesses de dons pour offrir un logement décent à ce couple qui a touché énormément de monde, par-delà les frontières nationales. Des promesses tenues, puisque, par exemple, l’artiste Lalla Essaydi, qui avait pris contact avec Le360 pour faire part de son désir de mettre en vente une de ses œuvres en vue d’acheter un appartement à Mi Fatma et Ba Mahjoub et que nous avons redirigée vers le réseau de solidarité, a bien tenu parole. Mais aucun répondant de l’autre côté. L’artiste s’adresse à nous pour savoir que faire, lors que la rétention d’information ne nous permet plus vraiment de la guider ou la conseiller dans ce formidable geste qu’elle veut accomplir.
Des ONG françaises à la rescousse
Après tant de tergiversations qui ont duré des mois durant lesquels Mi Fatma et Ba Mahjoub vivaient toujours terrés dans ce 1,5m2 de la honte et malgré l’incroyable élan de solidarité qu’a suscité le couple, ce sont finalement deux ONG françaises qui se sont déplacées pour débloquer la situation. Nous sommes en plein hiver, et des mois n’auront pas suffi ne serait-ce qu’à, au moins, trouver une solution provisoire avant que les dons destinés à l’acquisition d’un appartement ne soient libérés. Mais non. Face à la confusion et l’étrange léthargie à laquelle se heurtent les donateurs dont beaucoup ont exprimé leur désarroi, les ONG "Help Doctors" et "Regardez" se sont rendues à Marrakech où elles se trouvent depuis maintenant une semaine. La première s’occupe d’urgence humanitaire, tandis que la seconde, comme son nom l’indique, informe à travers l’image de situations dramatiques.Pourquoi la mobilisation, conséquente, de la société civile n’a-t-elle pas abouti, au point que des organisations humanitaires étrangères en arrivent à être assez alertées pour se rendre sur le terrain? Tout aussi incompréhensible : alors que des médecins avaient offert leurs services pour s’enquérir de la santé de Mi Fatma et Ba Mahjoub et que des fondations et hôpitaux tels la fondation "Artisans sans catacacte" ou le CHU de Tahanaout, entre autres, font en ce moment, et notamment à Marrakech, un travail extraordinaire pour permettre aux personnes démunies perdant la vue de bénéficier d’interventions chirurgicales, c’est Cheikk Congo, le champion français de free-fight, qui accompagne les ONG pour prendre en charge cette opération. Coup de com'? Peu importe. Mais c’est à se demander où le bât blesse quand il y a les idées et la générosité. Espérons que Mi Fatma et Ba Mahjoub commenceront cette nouvelle année au chaud et dans une dignité que chacun, espérons-le, saura préserver en évitant certains comportements voyeuristes et misérabilistes qui n’avaient pas lieu d’être, d'autant qu'il avait été convenu de preéserver ce couple des photographes et interviews filmées jusqu'à ce qu'ils recouvrent la dignité qui leur est due. Par-delà toutes les questions que ce long engrenage a pu déchaîner chez nombre de citoyens et malgré l’incompréhensible tournure qu’ont prise les choses, nul doute que chacune des nombreuses personnes qui a frémi et agi pour ce beau couple attend de voir s’ouvrir pour eux, enfin, une nouvelle page avec l’année nouvelle.






