L’IA et les chouaffates, une collab prometteuse

Zineb Ibnouzahir.

ChroniqueDans ce monde où les deepfakes sont plus vrais que nature, où enfants et ados s’en remettent aveuglément à ce nouveau cerveau qui leur évite d’utiliser le leur, une intelligence artificielle qui prédirait le futur pourrait bien être accueillie à bras ouverts par un grand nombre d’entre nous.

Le 31/12/2023 à 12h27

On apprend cette semaine qu’une étude menée par une équipe de scientifiques américains et danois a œuvré au développement d’une intelligence artificielle (IA) capable de prédire le jour de votre mort. Cette étude et ses résultats choqueront à l’évidence les plus croyants d’entre nous mais mérite tout de même qu’on s’y attarde, en laissant de côté les considérations religieuses des uns et des autres.

À la question «ces personnes vont-elles mourir ou rester en vie au cours des quatre prochaines années?», cette IA, baptisée Life2vec par ses créateurs, a ainsi pu prédire les conditions de la mort d’une personne dans 78,8% des cas, grâce à un algorithme qui prend en compte les données médicales, sociales et économiques du sujet étudié.

L’expérience a été menée sur 6 millions de Danois avec pour but de deviner le futur en se basant sur les évènements du passé, et à ce jeu de devinette, l’IA s’avère redoutable... mais sans grande surprise. Car que nous apprend-elle in fine? Eh bien, que les hommes aux revenus les plus faibles sont davantage susceptibles de mourir.

Si l’IA n’est pas (encore) parvenue à percer les secrets de l’univers, les scientifiques s’accordent à voir dans cette «avancée» un moyen de «prévoir les problèmes de santé ou sociaux d’un individu» ou encore de «mettre en place des actions pour réduire les inégalités touchant un groupe», explique Laura Tocmacov Vencchiaruttu, la directrice de la fondation impactIA. C’est bien joli, écrit ainsi sur papier, ça ressemblerait presque à un monde parfait où les inégalités entre les êtres humains auraient enfin trouvé un remède. Mais en réalité, comme chaque médaille possède un revers, il en va de même pour cette IA, qui de par l’utilisation qui peut en être faite, risque fort d’être utilisée comme une arme chargée pointée en direction des plus faibles.

Connaître avec le plus de précision possible l’espérance de vie d’un individu, voilà qui peut en intéresser plus d’un, à commencer par les compagnies d’assurances, s’inquiète-t-on déjà. D’où l’importance capitale de légiférer sur la question.

Et si, d’aventure, cette IA venait à être démocratisée, comme c’est aujourd’hui le cas de ChatGPT? Après tout, pourquoi pas? Nous vivons bien dans un monde où l’on juge normal aujourd’hui de s’en remettre à une intelligence artificielle pour discuter de tout et de rien, écrire à notre place, demander des conseils, générer des images presque plus vraies que nature… Dans ce monde où les deepfakes sont plus vrais que nature, où enfants et ados s’en remettent aveuglément à ce nouveau cerveau qui leur évite d’utiliser le leur, une IA qui prédirait le futur pourrait bien être accueillie à bras ouverts par un grand nombre d’entre nous.

Car au-delà de notre espérance de vie, elle pourrait bien être employée, un jour pas si lointain, pour calculer nos compatibilités amoureuses, nos chances de nous marier, de divorcer, de faire des enfants, d’exercer tel ou tel métier en fonction de nos aptitudes… À ce rythme, la dystopie sera bientôt notre réalité et il n’y a qu’un petit pas à franchir pour que nos chouaffates marocaines troquent leur brasero et leurs billes de plomb pour s’équiper du nec plus ultra de la technologie.

Astrologie, cartomancie et techniques de divination en tout genre risquent fort de s’imposer parmi les grands gagnants de ces découvertes scientifiques, qui repoussent sans cesse un peu plus les limites du mystère de la vie et de la mort et chassent de plus en plus le sacré de nos vies.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 31/12/2023 à 12h27