Au fil de quatre épisodes, Leila Maziane, historienne et professeure à l’Université Hassan II de Casablanca, spécialisée en histoire maritime et en histoire de la diplomatie et des relations internationales, nous aide à mieux comprendre les particularités du rapport des Marocains à la mer dans l’histoire.
Plusieurs années d’étude des archives espagnoles, portugaises, françaises et néerlandaises ont permis à Leila Maziane de retracer le parcours des corsaires de Salé et leur impact sur la société, l’économie et la diplomatie marocaines. L’historienne nous en livre quelques détails dans ce deuxième épisode, où l’on apprend que les corsaires de Salé ont parcouru les flots de l’Atlantique de long en large, jusqu’à débarquer sur les côtes lointaines du Canada et du Brésil.
Les Européens ont mentionné dans des livres d’histoire une «République des pirates de Salé», mais selon Leila Maziane, le terme approprié est plutôt celui de «Diwan» de Salé. «Il s’agissait du Nouveau Salé, qui est le Rabat d’aujourd’hui. Ses habitants ont été les pionniers de la guerre de course dès le début du XVIIe. Et à l’époque, la violence maritime était alors de mise, principalement dirigée contre l’Espagne voisine».
Le 20 juin 1627, les corsaires de Salé attaquent le sud Ouest de l’Islande. Trois semaines plus tard, ceux d’Alger mèneront une opération similaire, en jetant leur dévolu cette fois-ci le sud-est de l’Ile. Cette double attaque est d’ailleurs restée vivante dans la mémoire collective islandaise sous le nom du « Raid Turc »; le terme turc signifiant alors «musulman» pour les Islandais.
Les corsaires du Maghreb ont donc mené leurs navires jusqu’à la mer du Nord? «Ils ont même attaqué les îles Féroé, l’Irlande, le Canal Saint-Georges qui sépare l’Irlande de l’Angleterre et sont entrés dans la Tamise, près de Londres. Des sources disent qu’ils ont atteint les côtes orientales du Canada et le Brésil», révèle Leila Maziane.
À l’époque, la course était considérée comme étant une activité légitime, puisque les capitaines de navires qui dirigeait les opérations, s’attaquaient en principe aux ennemis du Maroc. Et ce n’était pas uniquement le cas du Royaume, mais c’était le cas d’autres pays, méditerranéens et atlantiques.
Comme nous l’apprend l’historienne, l’activité de la course était basée essentiellement sur l’économie de la rançon, les prisonniers capturés étaient soit vendus comme captifs, soit libérés contre une somme d’argent. Ces revenus étaient évidemment complétés par d’autres types de prises.
Ainsi, les marchandises et objets interceptés étaient vendus dans les ports marocains, maghrébins, surtout celui d’Alger et certains ports européens amis, aux grandes potentialités, comme Cadix ou Livourne, par l’intermédiaire de marchands spécialisés dans ce type de commerce.