La fin du monde a eu lieu hier

Fouad Laroui.

ChroniqueCe qui ne cessera jamais de m’étonner, c’est la crédulité de ceux qui gobent des fadaises pareilles.

Le 24/09/2025 à 11h00

Vous êtes encore là, amis lecteurs? Moi aussi. C’est étonnant parce que la fin du monde a eu lieu hier mardi 23 septembre 2025.

Plus précisément, elle aurait dû avoir lieu hier mardi.

C’est ce qu’un certain Joshua Mhlakela, pasteur de son état, nous avait annoncé le 17 Juin dernier dans une interview qui traîne encore sur YouTube. Regardez-la si vous voulez examiner un spécimen spectaculaire de la stupidité humaine. C’est fascinant.

La fin du monde, donc. C’était hier. Et de qui l’ami Joshua tenait-il cette information capitale? De la meilleure source possible: Jésus himself.

Mhlakela (à vos souhaits!) raconte ainsi la scène:

- J’ai vu Jésus assis sur son trône et je l’ai entendu dire très clairement ‘Je reviens bientôt’.

Et Jésus d’ajouter, avec ce souci du détail qui caractérise les meilleurs messies: ‘Ce sera le 23 septembre 2025’.

(Avant de continuer, voici une question qui me turlupine: la Terre abritant huit milliards d’habitants, pourquoi Jésus aurait-il choisi, pour annoncer cet évènement prodigieux, un type au nom aussi imprononçable que Mhlakela? On ne manque pourtant pas de gens qui se nomment Smith, Dupont ou Bouazza. Et pourquoi un homme d’ailleurs? Pourquoi pas miss Norvège ou Emma, la petite marchande d’allumettes, ou ma collègue Sanaa? Elles sont tout aussi concernées par la fin du monde qu’un Makhla… Malkha… pardon: Mhlakela.)

«Méfions-nous de ceux qui prétendent avoir des ‘visions’. Aucun mortel ne connaît les desseins de la Providence. L’Heure viendra à son heure.»

—  Fouad Laroui

De temps à autre, un allumé apparaît qui braille que le monde est sur le point de finir. J’en ai connu un, personnellement, aux Pays-Bas. Frans Willem Rutten (1934-2019) était un économiste prestigieux dont je ne ratais aucune conférence. On échangeait quelques mots ensuite. Professeur d’université, il fut également secrétaire général du ministère des Affaires économiques. Lorsqu’il prit sa retraite, il se tourna par désœuvrement vers la religion. Il se mua alors en catho de choc, tant qu’à faire, et partit en guerre contre la franc-maçonnerie– un ennemi toujours utile quand on s’ennuie. Un jour, je lus avec étonnement dans la presse que Jésus– encore lui– avait confié à Rutten que la fin du monde se produirait le 11 avril 2002. Pour une raison qui m’échappe, l’homme loua un autocar quelques jours avant l’évènement et emmena un groupe de bigots au Portugal, sans doute parce que l’Apocalypse est moins pénible au Soleil, comme le chantait (à peu près) Aznavour.

Le voyage de retour dut être assez morose. Voir Lisbonne et ne même pas mourir un peu, c’est quand même rageant.

Ce qui ne cessera jamais de m’étonner, c’est la crédulité de ceux qui gobent des fadaises pareilles. Pourquoi diable Dieu choisirait-il d’annoncer ses plans grandioses à un Mhlakela, pasteur sud-Africain, ou à un Rutten, prof’ d’éco à la retraite qui buvait plus que de raison?

En 2002, j’étais persuadé que la débâcle dudit Rutten allait définitivement détourner les Bataves des élucubrations des cagots et qu’ils allaient revenir à une foi simple, paisible, toute intérieure. Ce fut le contraire qui se produisit: la religiosité exhibitionniste et désaxée des évangéliques braillards semble aujourd’hui l’emporter sur le quiétisme, la contemplation et la prière silencieuse.

Rutten était catholique, Mhlakela est protestant. Que cela ne nous empêche pas de tirer de leurs déconvenues une leçon à notre usage. Méfions-nous de ceux qui prétendent avoir des ‘visions’. Aucun mortel ne connaît les desseins de la Providence. L’Heure viendra à son heure.

En attendant, il faut cultiver notre jardin– comme disait Voltaire– plutôt que de s’égarer dans des questions métaphysiques dont personne n’a la réponse– surtout pas des illuminés comme Rutten ou comme le gugusse dont le nom sonne à peu près comme m’kellekh

Par Fouad Laroui
Le 24/09/2025 à 11h00